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  Conformations variables. 169

parce qu’il est commun à des groupes considérables ; mais la nervation, dans certains genres, varie chez les diverses espèces et aussi chez les deux sexes d’une même espèce. Sir J. Lubbock a récemment fait remarquer que plusieurs petits crustacés offrent d’excellents exemples de cette loi. « Ainsi, chez le Pontellus, ce sont les antennes antérieures et la cinquième paire de pattes qui constituent les principaux caractères sexuels ; ce sont aussi ces organes qui fournissent les principales différences spécifiques. » Ce rapport a pour moi une signification très claire ; je considère que toutes les espèces d’un même genre descendent aussi certainement d’un ancêtre commun, que les deux sexes d’une même espèce descendent du même ancêtre. En conséquence, si une partie quelconque de l’organisme de l’ancêtre commun, ou de ses premiers descendants, est devenue variable, il est très probable que la sélection naturelle et la sélection sexuelle se sont emparées des variations de cette partie pour adapter les différentes espèces à occuper diverses places dans l’économie de la nature, pour approprier l’un à l’autre les deux sexes de la même espèce, et enfin pour préparer les mâles à lutter avec d’autres mâles pour la possession des femelles.

J’en arrive donc à conclure à la connexité intime de tous les principes suivants, à savoir : la variabilité plus grande des caractères spécifiques, c’est-à-dire ceux qui distinguent les espèces les unes des autres, comparativement à celle des caractères génériques, c’est-à-dire les caractères possédés en commun par toutes les espèces d’un genre ; — l’excessive variabilité que présente souvent un point quelconque lorsqu’il est développé chez une espèce d’une façon extraordinaire, comparativement à ce qu’il est chez les espèces congénères ; et le peu de variabilité d’un point, quelque développé qu’il puisse être, s’il est commun à un groupe tout entier d’espèces ; — la grande variabilité des caractères sexuels secondaires et les différences considérables qu’ils présentent chez des espèces très voisines ; — les caractères sexuels secondaires se manifestant généralement sur ces points mêmes de l’organisme où portent les différences spécifiques ordinaires. Tous ces principes dérivent principalement de ce que les espèces d’un même groupe descendent d’un ancêtre commun qui leur a transmis par hérédité beaucoup de caractères communs ; — de