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  Conformations variables. 167

Hilaire, tout au moins, ne met pas en doute que, plus un organe diffère normalement chez les différentes espèces du même groupe, plus il est sujet à des anomalies chez les individus.

Dans l’hypothèse ordinaire d’une création indépendante pour chaque espèce, comment pourrait-il se faire que la partie de l’organisme qui diffère de la même partie chez d’autres espèces du même genre, créées indépendamment elles aussi, soit plus variable que les parties qui se ressemblent beaucoup chez les différentes espèces de ce genre ? Quant à moi, je ne crois pas qu’il soit possible d’expliquer ce fait. Au contraire, dans l’hypothèse que les espèces ne sont que des variétés fortement prononcées et persistantes, on peut s’attendre la plupart du temps à ce que les parties de leur organisation qui ont varié depuis une époque comparativement récente et qui par suite sont devenues différentes, continuent encore à varier. Pour poser la question en d’autres termes : on appelle caractères génériques les points par lesquels toutes les espèces d’un genre se ressemblent et ceux par lesquels elles diffèrent des genres voisins ; on peut attribuer ces caractères à un ancêtre commun qui les a transmis par hérédité à ses descendants, car il a dû arriver bien rarement que la sélection naturelle ait modifié, exactement de la même façon, plusieurs espèces distinctes adaptées à des habitudes plus ou moins différentes ; or, comme ces prétendus caractères génériques ont été transmis par hérédité avant l’époque où les différentes espèces se sont détachées de leur ancêtre commun et que postérieurement ces caractères n’ont pas varié, ou que, s’ils diffèrent, ils ne le font qu’à un degré extrêmement minime, il n’est pas probable qu’ils varient actuellement. D’autre part, on appelle caractères spécifiques les points par lesquels les espèces diffèrent des autres espèces du même genre ; or, comme ces caractères spécifiques ont varié et se sont différenciés depuis l’époque où les espèces se sont écartées de l’ancêtre commun, il est probable qu’ils sont encore variables dans une certaine mesure ; tout au moins, ils sont plus variables que les parties de l’organisation qui sont restées constantes depuis une très longue période.