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  Effets de la sélection naturelle. 131

davantage ; chacune pourrait même représenter une des couches successives de la croûte terrestre, dans laquelle on trouve des fossiles. Nous aurons à revenir sur ce point, dans notre chapitre sur la géologie, et nous verrons alors, je crois, que le diagramme jette quelque lumière sur les affinités des êtres éteints. Ces êtres, bien qu’appartenant ordinairement aux mêmes ordres, aux mêmes familles ou aux mêmes genres que ceux qui existent aujourd’hui, présentent souvent cependant, dans une certaine mesure, des caractères intermédiaires entre les groupes actuels ; nous pouvons le comprendre d’autant mieux que les espèces existantes vivaient à différentes époques reculées, alors que les lignes de descendance avaient moins divergé.

Je ne vois aucune raison qui oblige à limiter à la formation des genres seuls la série de modifications que nous venons d’indiquer. Si nous supposons que, dans le diagramme, la somme des changements représentée par chaque groupe successif de lignes ponctuées divergentes est très grande, les formes a14 à p14, b14 et f14, o14 à m14 formeront trois genres bien distincts. Nous aurons aussi deux genres très distincts descendant de I et différant très considérablement des descendants de A. Ces deux groupes de genres formeront ainsi deux familles ou deux ordres distincts, selon la somme des modifications divergentes que l’on suppose représentée par le diagramme. Or, les deux nouvelles familles, ou les deux ordres nouveaux, descendent de deux espèces appartenant à un même genre primitif, et on peut supposer que ces espèces descendent de formes encore plus anciennes et plus inconnues.

Nous avons vu que, dans chaque pays, ce sont les espèces appartenant aux genres les plus riches qui présentent le plus souvent des variétés ou des espèces naissantes. On aurait pu s’y attendre ; en effet, la sélection naturelle agissant seulement sur les individus ou les formes qui, grâce à certaines qualités, l’emportent sur d’autres dans la lutte pour l’existence, elle exerce principalement son action sur ceux qui possèdent déjà certains avantages ; or, l’étendue d’un groupe quelconque prouve que les espèces qui le composent ont hérité de quelques qualités possédées par un ancêtre commun. Aussi, la lutte pour la production de descendants nouveaux et modifiés s’établit