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  Effets de la sélection naturelle. 125

Les intervalles entre les lignes horizontales du diagramme peuvent représenter chacun mille générations ou plus. Supposons qu’après mille générations l’espèce A ait produit deux variétés bien tranchées, c’est-à-dire a1 et m1. Ces deux variétés se trouvent généralement encore placées dans des conditions analogues à celles qui ont déterminé des variations chez leurs ancêtres, d’autant que la variabilité est en elle-même héréditaire ; en conséquence, elles tendent aussi à varier, et ordinairement de la même manière que leurs ancêtres. En outre, ces deux variétés, n’étant que des formes légèrement modifiées, tendent à hériter des avantages qui ont rendu leur prototype A plus nombreux que la plupart des autres habitants du même pays ; elles participent aussi aux avantages plus généraux qui ont rendu le genre auquel appartiennent leurs ancêtres un genre riche dans son propre pays. Or, toutes ces circonstances sont favorables à la production de nouvelles variétés.

Si donc ces deux variétés sont variables, leurs variations les plus divergentes persisteront ordinairement pendant les mille générations suivantes. Après cet intervalle, on peut supposer que la variété a1 a produit la variété a², laquelle, grâce au principe de la divergence, diffère plus de A que ne le faisait la variété a1. On peut supposer aussi que la variété m1 a produit, au bout du même laps de temps, deux variétés : m² et s², différant l’une de l’autre, et différant plus encore de leur souche commune A. Nous pourrions continuer à suivre ces variétés pas à pas pendant une période quelconque. Quelques variétés, après chaque série de mille générations, auront produit une seule variété, mais toujours plus modifiée ; d’autres auront produit deux ou trois variétés ; d’autres, enfin, n’en auront pas produit. Ainsi, les variétés, ou les descendants modifiés de la souche commune A, augmentent ordinairement en nombre en revêtant des caractères de plus en plus divergents. Le diagramme représente cette série jusqu’à la dix-millième génération, et, sous une forme condensée et simplifiée, jusqu’à la quatorze-millième.

Je ne prétends pas dire, bien entendu, que cette série soit aussi régulière qu’elle l’est dans le diagramme, bien qu’elle ait été représentée de façon assez irrégulière ; je ne prétends pas dire non plus que ces progrès soient incessants ; il est beaucoup