Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124 La sélection naturelle.  

pèce quelconque réussissent d’autant mieux que leur structure est plus diversifiée et qu’ils peuvent ainsi s’emparer de places occupées par d’autres êtres. Examinons maintenant comment ces avantages résultant de la divergence des caractères tendent à agir, quand ils se combinent avec la sélection naturelle et l’extinction.

Le diagramme ci-contre peut nous aider à comprendre ce sujet assez compliqué. Supposons que les lettres A à L représentent les espèces d’un genre riche dans le pays qu’il habite ; supposons, en outre, que ces espèces se ressemblent, à des degrés inégaux, comme cela arrive ordinairement dans la nature ; c’est ce qu’indiquent, dans le diagramme, les distances inégales qui séparent les lettres. J’ai dit un genre riche, parce que, comme nous l’avons vu dans le second chapitre, plus d’espèces varient en moyenne dans un genre riche que dans un genre pauvre, et que les espèces variables des genres riches présentent un plus grand nombre de variétés. Nous avons vu aussi que les espèces les plus communes et les plus répandues varient plus que les espèces rares dont l’habitat est restreint. Supposons que A représente une espèce variable commune très répandue, appartenant à un genre riche dans son propre pays. Les lignes ponctuées divergentes, de longueur inégale, partant de A, peuvent représenter ses descendants variables. On suppose que les variations sont très légères et de la nature la plus diverse ; qu’elles ne paraissent pas toutes simultanément, mais souvent après de longs intervalles de temps, et qu’elles ne persistent pas non plus pendant des périodes égales. Les variations avantageuses seules persistent, ou, en d’autres termes, font l’objet de la sélection naturelle. C’est là que se manifeste l’importance du principe des avantages résultant de la divergence des caractères ; car ce principe détermine ordinairement les variations les plus divergentes et les plus différentes (représentées par les lignes ponctuées extérieures), que la sélection naturelle fixe et accumule. Quand une ligne ponctuée atteint une des lignes horizontales et que le point de contact est indiqué par une lettre minuscule, accompagnée d’un chiffre, on suppose qu’il s’est accumulé une quantité suffisante de variations pour former une variété bien tranchée, c’est-à-dire telle qu’on croirait devoir l’indiquer dans un ouvrage sur la zoologie systématique.