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122 La sélection naturelle.  

les insectes qui habitent des petits îlots uniformes, ou bien des petits étangs d’eau douce. Les fermiers ont trouvé qu’ils obtiennent de meilleures récoltes en établissant une rotation de plantes appartenant aux ordres les plus différents ; or, la nature suit ce qu’on pourrait appeler une « rotation simultanée ». La plupart des animaux et des plantes qui vivent tout auprès d’un petit terrain, quel qu’il soit, pourraient vivre sur ce terrain, en supposant toutefois que sa nature n’offrît aucune particularité extraordinaire ; on pourrait même dire qu’ils font tous leurs efforts pour s’y porter, mais on voit que, quand la lutte devient très vive, les avantages résultant de la diversité de structure ainsi que des différences d’habitude et de constitution qui en sont la conséquence, font que les habitants qui se coudoient ainsi de plus près appartiennent en règle générale à ce que nous appelons des genres et des ordres différents.

L’acclimatation des plantes dans les pays étrangers, amenée par l’intermédiaire de l’homme, fournit une nouvelle preuve du même principe. On devrait s’attendre à ce que toutes les plantes qui réussissent à s’acclimater dans un pays quelconque fussent ordinairement très voisines des plantes indigènes ; ne pense-t-on pas ordinairement, en effet, que ces dernières ont été spécialement créées pour le pays qu’elles habitent et adaptées à ses conditions ? On pourrait s’attendre aussi, peut-être, à ce que les plantes acclimatées appartinssent à quelques groupes plus spécialement adaptés à certaines stations de leur nouvelle patrie. Or, le cas est tout différent, et Alphonse de Candolle a fait remarquer avec raison, dans son grand et admirable ouvrage, que les flores, par suite de l’acclimatation, s’augmentent beaucoup plus en nouveaux genres qu’en nouvelles espèces, proportionnellement au nombre des genres et des espèces indigènes. Pour en donner un seul exemple, dans la dernière édition du Manuel de la flore de la partie septentrionale des États-Unis par le docteur Asa Gray, l’auteur indique 260 plantes acclimatées, qui appartiennent à 162 genres. Ceci suffit à prouver que ces plantes acclimatées ont une nature très diverse. Elles diffèrent, en outre, dans une grande mesure, des plantes indigènes ; car, sur ces 162 genres acclimatés, il n’y en a pas moins de 100 qui ne sont pas indigènes aux États-Unis ; une addition proportionnelle considérable a