lentement aussi. Or, c’est dans l’eau douce que nous trouvons sept genres de poissons ganoïdes, restes d’un ordre autrefois prépondérant ; c’est également dans l’eau douce que nous trouvons quelques-unes des formes les plus anormales que l’on connaisse dans le monde, l’Ornithorhynque et le Lépidosirène, par exemple, qui, comme certains animaux fossiles, constituent jusqu’à un certain point une transition entre des ordres aujourd’hui profondément séparés dans l’échelle de la nature. On pourrait appeler ces formes anormales de véritables fossiles vivants ; si elles se sont conservées jusqu’à notre époque, c’est qu’elles ont habité une région isolée, et qu’elles ont été exposées à une concurrence moins variée et, par conséquent, moins vive.
S’il me fallait résumer en quelques mots les conditions avantageuses ou non à la production de nouvelles espèces par la sélection naturelle, autant toutefois qu’un problème aussi complexe le permet, je serais disposé à conclure que, pour les productions terrestres, un grand continent, qui a subi de nombreuses oscillations de niveau, a dû être le plus favorable à la production de nombreux êtres organisés nouveaux, capables de se perpétuer pendant longtemps et de prendre une grande extension. Tant que la région a existé ; sous forme de continent, les habitants ont dû être nombreux en espèces et en individus, et, par conséquent, soumis à une ardente concurrence. Quand, à la suite d’affaissements, ce continent s’est subdivisé en nombreuses grandes îles séparées, chacune de ces îles a dû encore contenir beaucoup d’individus de la même espèce, de telle sorte que les croisements ont dû cesser entre les variétés bientôt devenues propres à chaque île. Après des changements physiques de quelque nature que ce soit, toute immigration a dû cesser, de façon que les anciens habitants modifiés ont dû occuper toutes les places nouvelles dans l’économie naturelle de chaque île ; enfin, le laps de temps écoulé a permis aux variétés, habitant chaque île, de se modifier complètement et de se perfectionner. Quand, à la suite de soulèvements, les îles se sont de nouveau transformées en un continent, une lutte fort vive a dû recommencer ; les variétés les plus favorisées ou les plus perfectionnées ont pu alors s’étendre ; les formes moins perfectionnées ont été exterminées, et le continent renouvelé a changé