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AUX PÉRIODES CORRESPONDANTES.

quée par certaines périodes critiques dans la vie de chaque personne, ainsi que par des conditions défavorables. Il y a beaucoup d’autres maladies qui, sans se rattacher à aucune période particulière, tendent à se montrer chez l’enfant au même âge que celui où elles ont éclaté chez le parent, et on pourrait citer à l’appui de cette assertion un bon nombre des plus hautes autorités anciennes et modernes. C’était l’opinion de l’illustre Hunter, et Piorry[1] recommande au médecin d’observer attentivement l’enfant, lorsqu’il arrive à l’âge où quelque maladie héréditaire grave s’est déclarée chez le parent. Le Dr Lucas[2], après avoir puisé des faits à toutes les sources, affirme que les affections de toute nature, même celles qui ne sont liées à aucune période particulière de la vie, tendent à reparaître chez les descendants à l’époque où elles ont premièrement apparu chez l’ascendant.

Vu l’importance du sujet, nous citerons encore quelques exemples choisis dans le but de montrer que, lorsqu’il y a une déviation à la règle, l’enfant peut être affecté plus tôt que ne l’a été son parent. Dans la famille Lecompte, la cécité fut héréditaire pendant trois générations, et trente-sept enfants et petits-enfants devinrent tous aveugles entre dix-sept et dix-huit ans[3]. Dans un autre cas, un père et ses quatre enfants furent atteints de cécité à l’âge de vingt et un ans ; dans un autre, une grand’-mère devint aveugle à trente-cinq ans, sa fille à dix-neuf et trois petits-enfants à treize et onze ans[4]. De même pour la surdité, deux frères, leur père et leur grand-père paternel devinrent tous sourds à l’âge de quarante ans[5].

Esquirol donne quelques exemples frappants d’aliénation mentale s’étant déclarée au même âge, entre autres celui d’un grand-père, père et fils, qui tous se suicidèrent aux environs de leur cinquantième année ; et celui d’une famille entière, dont tous les membres furent atteints d’aliénation mentale à l’âge de quarante ans[6]. D’autres affections cérébrales paraissent soumises à la même règle, comme l’apoplexie et l’épilepsie. Une femme mourut d’apoplexie dans sa soixante-troisième année ; une de ses filles dans sa quarante-troisième, et une autre dans sa soixante-septième ; cette dernière eut douze enfants, qui moururent tous de méningite tuberculeuse[7]. Je mentionne ce dernier cas comme exemple d’un fait assez fréquent, le changement dans la nature de la maladie héréditaire, affectant le même organe. On a vu l’asthme frapper divers membres d’une même famille à l’âge de quarante ans, et ceux d’autres familles pendant leur enfance. Les maladies les plus différentes, telles que l’angine pectorale, la pierre et des affections de la peau, peuvent se déclarer dans les générations successives à peu près au même âge. Le petit doigt ayant, par une cause

  1. L’Hérédité dans les maladies, 1840, p. 135. — Pour Hunter, voir Harlan’s Medical Researches, p. 530.
  2. O. C., t. II, p. 850.
  3. Sedgwick, O. C., 1861, p. 485.
  4. Lucas. O. C., t. I, p. 400.
  5. Sedgwick, O. C., p. 202.
  6. Piorry, O. C., p. 109. — Lucas, t. II, p. 759.
  7. Lucas, O. C., t. II, p. 748.