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HÉRÉDITÉ.

aussi évidente par elle-même que celle que tous les bourgeons d’un arbre se ressemblent, bien qu’aucune de ces deux propositions ne soit strictement vraie. Car, ainsi qu’on l’a souvent remarqué, il n’y a probablement pas deux individus absolument identiques. Tous les animaux sauvages se reconnaissent, ce qui prouve qu’il y a quelque différence entre eux ; l’œil exercé du berger peut distinguer chacun de ses moutons, et l’homme peut discerner une figure de connaissance parmi un million de visages humains. Quelques auteurs ont été jusqu’à prétendre que la production de légères différences est une fonction aussi nécessaire de la puissance génératrice, que l’est celle de la production d’une progéniture semblable aux ascendants. Cette manière de voir qui, théoriquement, est improbable, est cependant, comme nous le verrons plus tard, justifiée dans la pratique. C’est la confiance complète acquise par les éleveurs qu’un animal supérieur ou inférieur reproduira généralement son propre type, qui a donné naissance au dicton, que le semblable produit son semblable ; et la supériorité ou l’infériorité d’un animal donné est précisément une preuve qu’il a légèrement dévié de son type.

Quand un nouveau caractère, quelle qu’en soit la nature, surgit, il tend généralement à être hérité, au moins temporairement, et souvent avec une grande persistance. Quoi de plus merveilleux que de voir une particularité insignifiante, n’appartenant pas primitivement à l’espèce, se transmettre par les cellules sexuelles mâles ou femelles, organes invisibles à l’œil nu, et après des changements incessants pendant le cours d’un long développement, parcouru dans le sein de la mère ou dans l’œuf, reparaître ultérieurement dans le produit achevé, ou même beaucoup plus tard, comme cela a lieu pour certaines maladies ! Ou encore, n’est-il pas étonnant de voir l’ovule microscopique d’une bonne vache laitière devenir un mâle, dont une cellule réunie ensuite à un autre ovule, produira une femelle, qui, arrivée à l’état adulte, aura des glandes mammaires développées, propres à fournir abondance de lait, et même un lait de qualité particulière ? Néanmoins, comme le fait avec raison remarquer Sir H. Holland[1], le plus étonnant n’est pas

  1. Medical notes and reflections, 3e  édit., 1855, p. 267.