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HÉRÉDITÉ

HÉRÉDITÉ AUX PÉRIODES CORRESPONDANTES DE LA VIE.

Depuis la publication de l’Origine des Espèces, je n’ai eu aucune raison pour mettre en doute la vérité de l’explication que je donnai alors du fait biologique, de tous le plus remarquable peut-être, à savoir la différence qui existe entre l’embryon et l’animal adulte. L’explication est que les variations n’ont pas nécessairement ni généralement lieu à une époque très-antérieure du développement embryonnaire, et qu’elles sont héréditaires à l’âge correspondant. La conséquence de ceci est que, même lorsque la forme parente a subi de grandes modifications, l’embryon peut rester très-peu modifié, et les embryons d’animaux fort différents, descendant d’un ancêtre commun, doivent rester, sous bien des rapports importants, semblables entre eux et à leurs ancêtres primitifs. Ceci nous montre pourquoi l’embryologie jette un si grand jour sur le système naturel de la classification, qui devrait, autant que possible, être généalogique. Lorsque l’embryon peut vivre indépendant et devient larve, il faut que, par sa conformation et ses instincts, indépendamment de ce que peuvent être ces circonstances chez ses parents, il puisse s’adapter aux conditions extérieures dans lesquelles il se trouve, et c’est ce que rend possible l’hérédité aux périodes correspondantes de la vie.

Ce principe est, en un certain sens, tellement évident, qu’il échappe à notre attention. Nous possédons de nombreuses races d’animaux et de plantes qui, comparées les unes aux autres et à leurs formes primitives, présentent, tant à l’état parfait qu’imparfait, des différences considérables. Nous voyons les graines des différentes sortes de pois, fèves, maïs, qui se propagent avec constance et diffèrent beaucoup par leur forme, couleur et grosseur, pendant que les plantes adultes ne diffèrent que peu. Les choux, d’autre part, diffèrent considérablement par leur feuillage et leur mode de croissance, mais presque pas par leurs graines ; et on reconnaîtrait généralement que les différences qu’on peut remarquer entre les plantes cultivées à diverses périodes de leur croissance, n’ont aucune connexion réciproque nécessaire, car des plantes très-divergentes par leur graine peuvent se ressembler à l’état adulte, tandis qu’inversement des plantes très-différentes, une fois