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LIMITÉE PAR LE SEXE.

cornées de la peau ne se transmirent du père qu’à ses fils et petits-fils seulement ; il en a été de même pour d’autres cas d’ichthyose, de doigts surnuméraires, de phalanges ou de doigts manquants, de quelques maladies, surtout l’incapacité de saisir les couleurs ou le daltonisme ; les diathèses hémorrhagiques. D’autre part, des mères ont, pendant plusieurs générations, transmis à leurs filles seules des doigts surnuméraires, ou faisant défaut, et d’autres particularités. De sorte qu’une même singularité peut s’attacher à un sexe, et être longtemps héréditaire chez ce sexe seul ; mais dans certains cas, cet attachement a lieu plus fréquemment sur un sexe que sur l’autre. Une même particularité peut aussi être transmise indistinctement aux deux sexes. Le Dr Lucas cite des faits qui prouvent que le mâle peut occasionnellement transmettre ses particularités à ses filles seules, et la mère à ses fils, mais même dans ces cas nous voyons que l’hérédité est encore, jusqu’à un certain point, quoique en sens inverse, réglée par le sexe. Après avoir pesé l’ensemble des preuves, le Dr Lucas conclut que toute particularité tend plus ou moins à être transmise au sexe chez lequel elle a apparu d’abord.

Voici quelques cas recueillis par M. Sedgwick[1]. Le daltonisme se manifeste plus souvent chez les hommes que chez les femmes ; sur plus de deux cents cas réunis par M. Sedgwick, les 9/10 se rapportaient à des hommes, mais il se transmet très-facilement par les femmes. Dans un cas signalé par le Dr Earle, des membres de huit familles alliées furent affectés pendant cinq générations ; ces familles comprenaient soixante et un individus, trente-deux du sexe masculin, dont les 9/16 étaient incapables de distinguer les couleurs, et vingt-neuf du sexe féminin, dont 1/15 seulement présentait la même affection. Quoique celle-ci semble généralement s’attacher au sexe mâle, elle a cependant une fois apparu en premier chez une femme, et fut, pendant cinq générations, transmise à treize personnes, toutes du sexe féminin. Une diathèse hémorrhagique, accompagnée de rhumatismes, a été observée pendant cinq générations chez les hommes seulement, quoique transmise par les femmes. Un cas de phalanges manquantes aux doigts, a été, pendant dix générations, héréditaire chez les femmes seulement. Dans un autre, un homme présentant la même anomalie aux mains et aux pieds, la transmit à ses deux fils et à une fille ; mais à la troisième génération, composée de dix-neuf petits enfants, les douze du sexe masculin héritèrent du défaut de famille, tandis que les sept filles n’en offrirent pas de traces. Dans les cas ordinaires de limitation sexuelle, les fils ou filles héritent de la particularité du père ou de la mère, quelle qu’elle soit, et la transmettent à leurs enfants du même sexe ; mais dans les cas de diathèse hémorrhagique, d’insensibilité pour les couleurs, et quelques autres, les fils n’héritent jamais de la particularité directement du père, mais la tendance latente en est transmise par les filles seules, de sorte qu’elle ne se manifeste que chez les enfants mâles de ces dernières. Ainsi, une particularité se trouvera chez le père, son petit-fils et le petit-fils de ce dernier, et aura été transmise à l’état latent par la grand’mère, la fille et l’ar-

  1. Sur la limitation sexuelle dans les maladies héréditaires, British and Foreign Med. Chir . Review, avril 1861, p. 477 ; juillet, p. 198 ; avril 1863, p. 445 ; et juillet, p. 159.