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HÉRÉDITÉ.

autre forme métis et déjà variable[1]. Plusieurs des cas que nous avons vus nous permettent de conclure que le seul fait de l’ancienneté d’un caractère ne le rend pas pour cela nécessairement prépondérant. Dans quelques cas la prépondérance paraît dépendre de ce qu’un même caractère est présent et visible dans une des deux races qu’on croise, et latent ou invisible dans l’autre ; il est naturel que, dans ce cas, le caractère étant potentiellement présent dans les deux ascendants, il soit prépondérant. Ainsi nous avons tout lieu de croire qu’il y a chez tous les chevaux, une tendance latente à être isabelles et rayés ; et que lorsqu’un cheval ainsi caractérisé est croisé avec un autre d’une couleur quelconque, il est presque certain que le produit sera rayé. Les moutons présentent aussi une tendance à prendre une couleur foncée, et nous avons vu avec quelle énergie un bélier, n’ayant que quelques taches noires, croisé avec des brebis blanches de diverses races, tendait à colorer sa descendance. Tous les pigeons ont une tendance latente à revêtir un plumage bleu ardoisé, avec des marques spéciales, et on sait que, lorsqu’on croise un oiseau de cette couleur avec un d’un autre plumage, il est ensuite très-difficile d’éliminer la nuance bleue. Les Bantams noirs, qui en devenant vieux tendent à reprendre des plumes rouges, offrent un cas analogue. Mais la règle souffre des exceptions ; car les races de bétail sans cornes, qui possèdent une tendance latente à pousser des cornes, peuvent cependant être croisées avec des races à cornes, sans que leurs produits en aient toujours.

Les plantes nous offrent des cas analogues. Les fleurs rayées, quoique pouvant se propager exactement par graine, ont une tendance latente à prendre une coloration uniforme ; mais une fois qu’on les a croisées avec une variété unicolore, elles ne reproduisent plus ensuite par semis de plantes rayées[2]. Le cas suivant est plus curieux ; certaines plantes péloriques portant des fleurs régulières ont une tendance latente si forte à reproduire leurs fleurs normales et irrégulières, que le changement a lieu par bourgeons, simplement en les transplantant dans un sol plus pauvre ou plus riche[3]. J’ai croisé le muflier (Antir-

  1. Voir quelques remarques sur ce sujet à propos du mouton, par M. Wilson, Gardener’s Chronicle, 1863, p. 15.
  2. Verlot, O. C., 1865, p. 66.
  3. Moquin-Tandun, O. C., p. 191.