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PRÉPONDÉRANCE DE TRANSMISSION.

Paons soit ancienne, il paraît que cette faiblesse de son pouvoir de transmission est générale[1] : j’en ai cependant constaté une exception dans un croisement entre un pigeon Paon et un Rieur. Le cas le plus frappant dont j’aie eu connaissance comme faiblesse de transmission dans les deux sexes, était relatif au pigeon Tambour. Cette race, qui est connue depuis cent trente ans environ, se reproduit avec constance, ainsi que me l’ont assuré ceux qui l’ont élevée ; elle est caractérisée par une touffe particulière de plumes sur le bec, par une huppe sur la tête, par ses pattes emplumées, et par un roucoulement tout spécial, et ne ressemblant à celui d’aucune des autres races. J’ai croisé les deux sexes avec des Turbits de deux sous-races, avec des Culbutants Amandes, des Heurtés et des Runts, j’ai élevé plusieurs métis et les ai recroisés, et quoiqu’ils héritassent de la huppe et des pattes emplumées (ce qui arrive généralement dans la plupart des races), ils n’ont jamais présenté traces de la touffe du bec, ni du roucoulement du Tambour. Boitard et Corbié[2] assurent que c’est le résultat invariable de tous les croisements de Tambours avec d’autres races. Neumeister[3] dit cependant qu’en Allemagne on a, quoique rarement, obtenu des métis ayant la touffe et le cri spécial du Tambour, mais ce n’était pas le cas d’une paire de ces métis à huppe que j’ai importée. M. Brent[4] assure que des pigeons croisés d’un Tambour, recroisés pendant trois générations avec d’autres Tambours, donnèrent des produits qui, quoique contenant les 7/8 du sang de pigeon Tambour, n’avaient pas encore la touffe de plumes. Celle-ci apparut à la quatrième génération, mais le roucoulement faisait encore défaut, bien que les oiseaux eussent dans leurs veines les 15/16 de sang Tambour. Ce cas montre bien la différence énorme qu’il y a entre l’hérédité et la prépondérance, car nous avons là une race ancienne et bien établie, qui transmet fidèlement ses caractères, mais qui n’a presque point de puissance pour transmettre ses deux particularités caractéristiques, dès qu’on la croise avec une autre race.

Voici encore quelques exemples de la puissance et de la faiblesse de la transmission d’un même caractère, à une descendance croisée. La poule Soyeuse se reproduit exactement, et paraît être une race fort ancienne, et cependant, lorsque j’élevai un grand nombre de métis d’une poule Soyeuse, par un coq Espagnol, pas un ne présenta la moindre trace du plumage dit soyeux. M. Howitt assure de même que jamais cette race croisée avec une autre variété ne transmet ses plumes soyeuses. M. Orton signale cependant que, sur un assez grand nombre d’oiseaux, résultant d’un croisement d’une poule Bantam avec un coq Soyeux, trois eurent des plumes soyeuses[5]. Il paraît donc certain que cette race a rarement le pouvoir de transmettre à sa progéniture croisée son plumage spécial. Il y a, d’autre part, une sous-variété soyeuse de pigeon Paon, dont les plumes sont à peu près dans le même état que celles de la poule Soyeuse : or, nous venons

  1. Boitard et Corbié, Les Pigeons, 1824, p. 224.
  2. Id. Ibid., p. 168, 198.
  3. Das Ganze, etc., 1837, p. 39.
  4. The Pigeon Book, p. 46.
  5. O. C., p. 22. — M. Hewitt, Poultry Book, de M. Tegetmeier, 1866, p. 124.