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HÉRÉDITÉ.

que cause interne ou externe. On trouvera que, généralement, les parties de nos produits domestiques qui ont varié, et continuent encore à le faire, — en ne conservant pas leur état antérieur, — sont précisément celles qui diffèrent dans les différentes espèces naturelles d’un même genre. D’après la théorie de la descendance avec modifications, les espèces d’un même genre s’étant modifiées depuis qu’elles ont divergé en se séparant d’un ancêtre commun, il s’ensuit que les caractères par lesquels elles diffèrent entre elles ont varié, tandis que les autres parties de l’organisme sont restées sans changement ; et on pourrait, s’appuyant là-dessus, dire que ces mêmes caractères varient actuellement sous l’influence de la domestication, ou manquent de puissance héréditaire, parce qu’ils sont moins anciens. Mais nous devons croire que des conformations qui ont déjà varié, doivent être plus aptes à continuer à le faire que celles qui, depuis un laps de temps considérable, sont restées inaltérées ; et cette variation est probablement le résultat de certaines relations entre l’organisation et les conditions extérieures, et tout à fait indépendante du plus ou moins d’ancienneté de chaque caractère particulier.

On a souvent cherché à apprécier la fixité des caractères ou de la force d’hérédité d’après les traits qui, dans les croisements de races distinctes, dominent chez le produit croisé ; mais ici intervient la prépondérance de transmission, qui, comme nous allons le voir, est toute autre chose que la force ou la faiblesse d’hérédité. On a souvent observé[1] que les races d’animaux habitant des régions montagneuses et sauvages ne peuvent pas être modifiées d’une manière permanente par nos races améliorées ; et comme celles-ci sont d’origine moderne, on a cru que la résistance qu’opposaient à leur amélioration par croisement les races plus sauvages, venait de leur plus grande ancienneté ; mais elle est bien plutôt due à ce que leur constitution et leur conformation sont mieux adaptées aux conditions ambiantes. Lorsqu’on assujettit les plantes à la culture, elles transmettent, dans les premières générations, assez fidèlement leurs caractères, c’est-à-dire ne varient pas, ce qu’on a attribué à la force d’hérédité d’anciens caractères ; mais on

  1. Youatt, On Cattle, p. 69, 78, 88, 92, 163. — Id., On Sheep, p. 325. — Dr Lucas, O. C., t. II, p. 310.