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MONSTRUOSITÉS.

espèce de queue courte et libre, peut, dans un sens, être considéré comme un développement plus complet, et en même temps être aussi regardé, soit comme un arrêt de développement, soit comme un cas de retour. La fréquence, plus grande chez le porc que chez aucun autre mammifère, d’une sorte de trompe monstrueuse, a été, vu la position qu’occupe cet animal dans la série des mammifères, attribuée et peut-être avec raison, à un fait de retour[1].


Dans les cas de pélorie chez les fleurs, c’est-à-dire, lorsque des fleurs, normalement irrégulières par leur conformation, deviennent régulières, les botanistes ont généralement considéré ce changement comme un retour vers un état primitif ; mais dans une discussion remarquable sur ce sujet, le Dr Maxwel Masters[2], remarque que lorsque tous les pétales du Tropæolum deviennent semblables de forme et verts, au lieu d’être colorés et l’un d’eux prolongé en forme d’éperon ; ou, lorsque tous les pétales d’une Linaria deviennent simples et réguliers, ces cas peuvent être le résultat d’un arrêt de développement ; car dans ces fleurs, tous les organes sont symétriques pendant les premières phases de leur formation, et ne deviendraient pas irréguliers s’ils étaient arrêtés à ce point de leur évolution. De plus, si l’arrêt avait lieu encore plus tôt, il aurait pour résultat une simple touffe de feuilles vertes, ce que personne ne regarderait comme un cas de retour. Le Dr Masters désigne les premiers de ces cas sous le nom de pélorie régulière, et ceux dans lesquels toutes les parties correspondantes revêtent une forme irrégulière mais semblable, comme lorsque tous les pétales d’une Linaria deviennent éperonnés, sous le nom de pélorie irrégulière. Nous n’aurions pas le droit d’attribuer ces derniers cas à un retour, tant qu’on n’aurait pas prouvé que, par exemple, la forme parente du genre Linaria a eu ses pétales éperonnés ; un changement de cette nature aurait pu résulter de l’extension d’une structure anormale, en vertu de la loi que nous discuterons dans un chapitre prochain, de la tendance qu’ont les parties homologues à varier d’une manière semblable. Mais, comme les deux formes de pélorie se présentent souvent sur une même plante de Linaria[3], elles sont probablement en quelque connexion mutuelle. Si on admet que la pélorie est simplement un arrêt de développement, on comprendrait difficilement qu’un organe, frappé d’arrêt de très-bonne heure dans son évolution, pût acquérir sa perfection fonctionnelle, qu’un pétale pût, dans les mêmes circonstances, revêtir ses brillantes couleurs et servir d’enveloppe à la fleur ; ou qu’une étamine pût produire du pollen efficace ; ce qui arrive cependant dans beaucoup de

  1. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, des Anomalies, t. III, p. 353. — Pour les mamelles des femmes, t. I, p. 710.
  2. Nat. Hist. Review, 1863, p. 258. — Moquin-Tandon, Éléments de Tératologie, 1841, p. 184, 352.
  3. Verlot, des Variétés, 1865, p. 89. — Naudin, Nouvelles Archives du Muséum, t. I, p. 137.