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HÉRÉDITÉ.

c’est-à-dire qui sont développés dans le sens contraire à celui qui leur est habituel ; et chez le Platessa flesus, le développement a lieu indifféremment, et aussi souvent d’un côté que de l’autre. Dans les Gastéropodes, les côtés droit et gauche sont très-inégalement développés ; le plus grand nombre des espèces sont dextres et présentent de rares cas de renversement ; un petit nombre sont normalement senestres ; mais quelques espèces de Bulimes, et plusieurs Achatinelles[1], sont aussi souvent dextres que senestres. Dans la classe des articulés, on trouve un cas analogue ; chez les Verruca[2], les deux côtés sont si dissemblables, que ce n’est que par une dissection très-attentive qu’on peut arriver à reconnaître les parties correspondantes des deux côtés opposés du corps ; mais cette différence si singulière peut se présenter indifféremment sur le côté droit ou le gauche. Dans une plante que j’ai observée[3], la fleur est inégalement développée, suivant qu’elle est située sur l’un ou l’autre côté de l’épi. Dans tous ces cas, l’animal est parfaitement symétrique dans son jeune âge. Lorsqu’une espèce est ainsi susceptible de se développer inégalement d’un ou de l’autre côté, nous pouvons admettre que la même capacité de développement existe, mais est latente du côté non développé. Et comme des inversions de ce genre se rencontrent chez beaucoup d’animaux différents, cette capacité latente est probablement très-commune.

Parmi les cas les plus simples de caractères latents se trouvent ceux que nous avons déjà signalés, de poulets et de pigeonneaux qui, produits d’un croisement d’oiseaux différents de coloration, ont d’abord la couleur d’un des parents, et au bout d’une année ou deux, prennent celle de l’autre ; car, dans ce cas, la tendance à un changement de plumage est évidemment latente chez le jeune oiseau. Il en est de même des races de bétail sans cornes, dont quelques individus acquièrent en vieillissant, de petites cornes. Les Bantams purs, noirs et blancs, ainsi que quelques autres volailles, revêtent parfois, en avançant en âge, les plumes rouges de l’espèce primitive. Voici un cas un peu

  1. Dr E. von Martens, Annals and Mag. of Nat. Hist., 1866, p. 209.
  2. Darwin, Balanidæ. — Roy. Society, 1854, p. 499 ; avec remarques sur le développement capricieux en apparence des membres thoraciques droits et gauches chez les crustacés supérieurs.
  3. Mormodes ignea. (Darwin, Fertilization of Orchids, 1862, p. 251.)