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HÉRÉDITÉ.

voisés, et que, tout en s’approchant des fenêtres pour venir prendre leur nourriture, ils conservaient un air défiant et circonspect tout à fait singulier.

Les mulets provenant de la jument et de l’âne ne sont certainement pas sauvages, mais ils sont notoirement obstinés et vicieux. M. Brent qui a croisé des Canaris avec plusieurs sortes de pinsons, n’a pas remarqué qu’ils fussent particulièrement sauvages. Plusieurs personnes, qui ont élevé des hybrides entre le canard commun et le canard musqué, m’ont dit qu’ils n’étaient point sauvages, mais M. Garnett[1] a constaté chez ses hybrides femelles certaines dispositions migratoires, dont on ne trouve aucun vestige, ni dans le canard ordinaire, ni dans l’espèce musquée. On ne connaît aucun cas de ce dernier oiseau ayant échappé et étant redevenu sauvage, ni en Europe, ni en Asie, à l’exception toutefois, d’après Pallas, de la mer Caspienne ; quant au canard commun, il ne redevient qu’occasionnellement sauvage, dans les régions où de grands lacs ou des marais sont abondants. On a cependant enregistré un assez grand nombre de cas[2] d’hybrides de ces deux canards ayant été tués à un état complètement sauvage, bien que le nombre de ceux qu’on élève soit fort petit relativement à celui des deux espèces dont il provient. Il est improbable que ces hybrides aient dû leur état sauvage à l’union d’un canard musqué avec un véritable canard sauvage, ce que, dans l’Amérique du Nord, on sait, du reste, n’être pas le cas ; nous devons donc en inférer qu’ils ont réacquis leur sauvagerie par retour, ainsi que leur puissance très-augmentée de vol.

Ces derniers faits doivent nous rappeler les remarques que les voyageurs ont si souvent faites, dans toutes les parties du monde, sur la dégradation et les dispositions sauvages des races humaines croisées. Personne ne contestera qu’il n’existe des mulâtres ayant le caractère et le cœur excellents, et il serait difficile de rencontrer une réunion d’hommes plus doux et plus

  1. M. Orton, Physiology of Breeding, p. 12.
  2. E. de Selys-Longchamp. Bulletin Acad. Roy. de Bruxelles, t. XII, no 10. cite plus de sept de ces hybrides comme ayant été tués en Suisse et en France. M. Deby, Zoologist, vol. v, 1845–46, p. 1254, dit qu’on en a aussi tué plusieurs dans diverses parties de la Belgique et du nord de la France. — Audubon, Ornitholog. Biography, vol. III, p. 168, dit, à propos de ces hybrides, que dans l’Amérique du Nord ils partent de temps en temps et redeviennent tout à fait sauvages.