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HÉRÉDITÉ.

tement transmises, lorsqu’on croise avec un autre un cheval ayant ces caractères : mais je n’ai pas pu arriver à la preuve que les chevaux isabelles rayés soient généralement le résultat du croisement de deux races distinctes, n’étant ni l’une ni l’autre de cette nuance, quoique cela soit quelquefois le cas.

Les jambes de l’âne sont souvent rayées, fait qu’on peut regarder comme un retour à la forme primitive sauvage, qui est rayée de la même manière, l’Asinus taeniopus d’Abyssinie[1]. Dans l’animal domestique, les bandes scapulaires sont parfois doubles ou bifurquées à leur extrémité, comme dans certaines espèces zébrées. Il paraîtrait que l’ânon est souvent plus distinctement rayé sur les jambes que l’animal adulte. Je n’ai pas pu arriver, plus que pour le cheval, à démontrer avec certitude si le croisement de variétés différemment colorées de l’âne déterminait chez les produits la formation des bandes foncées.

Passons aux résultats du croisement de l’âne et du cheval. Bien que les mulets soient beaucoup moins abondants en Angleterre que les ânes, j’en ai vu un beaucoup plus grand nombre ayant les jambes rayées, et cela d’une manière bien plus apparente que dans l’âne, surtout chez les mulets de couleur claire. Dans un cas, la bande scapulaire était profondément fourchue à son extrémité, et, dans un autre, elle était double, avec les deux raies réunies vers leur milieu. M. Martin a donné la figure d’un mulet espagnol, ayant sur les jambes de fortes marques zébrées[2], et il constate que ce genre de marques est très-fréquent chez ces animaux. D’après Roulin[3], dans l’Amérique du Sud, ces mêmes raies sont beaucoup plus fréquentes et plus prononcées chez le mulet que chez l’âne. Aux États-Unis, M. Gosse[4] dit, au sujet de ces animaux, que les neuf dixièmes d’entre eux ont les jambes marquées de bandes transversales foncées.

J’ai vu, il y a un assez grand nombre d’années, au Jardin Zoologique, un triple hybride singulier, provenant d’une jument baie et d’un métis de zèbre femelle par un âne. Cet animal, ayant déjà un certain âge, n’offrait presque plus de raies ; mais le surveillant m’assura qu’il avait eu, étant jeune, des bandes scapulaires et quelques faibles raies sur les flancs et les jambes. Je rapporte surtout ce cas comme un exemple de l’affaiblissement des marques avec l’âge.

Le zèbre ayant les jambes très-fortement rayées, on pouvait s’attendre à retrouver chez les hybrides de cet animal et de l’âne le même caractère ; mais d’après les figures données par le Dr Gray dans ses « Knowsley Menagerie Gleanings », et encore plus d’après celles données par Geoffroy et F. Cuvier[5], il paraît que les jambes sont beaucoup plus fortement rayées que le reste du corps, ce qui ne peut s’expliquer qu’en admettant que, par sa puissance de transmission, l’âne contribue à donner ce caractère au produit métis.

  1. Sclater, Proc. Zooloc. Soc., 1862, p. 163.
  2. History of the Horse, p. 212.
  3. Mém. savants étrangers, t. VI, 1835, p. 338.
  4. Letters from Alabama, 1859, p. 280.
  5. Hist. nat. des Mammifères, 1820, t. I.