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constantes du canard musqué (A. moschata), dont l’une est blanche et l’autre ardoisée ; mais j’apprends du Rév. W. D. Fox, que lorsqu’on apparie un mâle blanc avec une femelle ardoisée, on obtient toujours des oiseaux noirs, marqués de taches blanches, comme le canard musqué sauvage. Dans le quatrième chapitre, nous avons vu que le lapin dit himalayen avec son corps blanc et les oreilles, le nez, la queue et les pattes noirs, se reproduit exactement. Cette race est le résultat du croisement de deux variétés de lapins gris argenté ; par conséquent, lorsqu’une lapine himalayenne, appariée avec un lapin gris, a produit un lapin gris argenté, il y a eu évidemment là un cas de retour à l’une des variétés parentes primitives. Les lapins himalayens naissent d’un blanc de neige, et les marques foncées ne paraissent que quelque temps après ; mais il naît occasionnellement des lapins d’un gris argenté clair, teinte qui disparaît bientôt ; nous avons donc là une trace, pendant les premières périodes de la vie, d’un retour aux variétés parentes, en dehors de tout croisement récent.

Nous avons vu, dans le troisième chapitre, que quelques races de bétail, dans les parties les plus sauvages de l’Angleterre, étaient autrefois blanches avec les oreilles colorées, et qu’actuellement le bétail qu’on conserve à demi sauvage dans quelques parcs, ainsi que celui qui est marron dans deux parties éloignées du globe, sont également de cette couleur. Un éleveur habile, M. J. Beasly, du Northamptonshire[1], a croisé quelques vaches du West Highland soigneusement choisies, avec des taureaux courtes-cornes de race pure. Ces derniers étaient rouges, rouge et blanc, rouan foncé, et toutes les vaches étaient d’un rouge nuancé de jaune clair. Une notable portion des produits furent blancs, ou blancs avec les oreilles rouges. Or si on considère qu’aucun des parents n’était blanc et qu’ils étaient de race pure, il est excessivement probable que les veaux, en suite du croisement, ont fait retour à la couleur de l’espèce parente primitive, ou à celle de quelque ancienne race à demi sauvage. Le fait suivant doit peut-être rentrer dans le même cas ; dans l’état de nature, les vaches n’ont que des mamelles peu développées, et sont bien loin de fournir autant de lait que les vaches domestiques ; or on a remarqué[2] que les animaux issus du croisement de deux races également bonnes laitières, telles que les Alderneys et les Courtes-cornes, se trouvent souvent très-inférieurs sous ce rapport.

Nous sommes arrivés, à propos du cheval, à la conclusion que la souche primitive avait dû être rayée et isabelle, et nous avons montré par des faits que, dans toutes les parties du monde, on voit souvent paraître, le long de l’épine dorsale, sur les jambes, et les épaules, des bandes foncées, quelquefois doubles et triples, et qui peuvent s’étendre jusque sur la face et le corps, et cela chez des chevaux de toutes races et toutes couleurs. Toutefois, les raies paraissent plus fréquemment sur certaines nuances claires de manteaux. Elles sont quelquefois très-apparentes chez le poulain, et s’effacent ensuite. La nuance des poils et les raies sont for-

  1. Gardener’s Chronicle and Agricult. Gazette, 1866, p. 528.
  2. Ibid., 1860, p. 343.