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REMARQUES FINALES.

indomptable férocité, munie de mâchoires capables de terrasser un taureau pour le divertissement brutal de l’homme ? Mais si nous abandonnons le principe dans un cas, — si nous n’admettons pas que les variations du chien primitif aient été intentionnellement dirigées de manière que le lévrier, par exemple, cette image parfaite de symétrie et de vigueur, ait pu se former, — on ne peut donner l’ombre d’une raison en faveur de l’idée que les variations de nature semblable et résultant des mêmes lois générales qui, par la sélection naturelle, ont été la base fondamentale de la formation des animaux les plus parfaitement adaptés, l’homme compris, aient été dirigées d’une manière spéciale et intentionnelle. Quelque désir que nous puissions en avoir, nous ne pouvons guère adopter les vues du professeur Asa Gray, lorsqu’il dit que « la variation a été dirigée suivant certaines lignes avantageuses, comme un ruisseau qui suit des lignes d’irrigation définies et utiles. » Si nous admettons que chaque variation particulière ait été prédéterminée dès l’origine des temps, la plasticité de l’organisation, qui conduit à tant de déviations nuisibles dans la conformation, ainsi que cette puissance de reproduction surabondante qui entraîne inévitablement à une lutte acharnée pour l’existence, et a pour conséquence la sélection naturelle, ou la survivance de l’organisme le plus apte, doivent paraître des lois superflues de la nature. D’autre part, un Créateur omnipotent et omniscient ordonne et prévoit tout ; nous nous trouvons donc en face d’une difficulté aussi insoluble que celle du libre arbitre et de la prédestination.

fin du deuxième et dernier volume.