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REMARQUES FINALES.

D’après les vues que j’ai soutenues dans cet ouvrage et ailleurs, non-seulement les diverses races domestiques, mais aussi les genres les plus distincts et les ordres d’une même grande classe, — comme les baleines, les souris, les oiseaux et les poissons, — sont tous les descendants d’un ancêtre commun, et nous devons admettre que la grande somme des différences qui existent entre ces formes vivantes a été primitivement causée par simple variabilité. La considération du sujet à ce point de vue peut sans doute paraître étonnante. Mais si nous réfléchissons que des êtres en nombre infini, et pendant un laps de temps presque infini, ont eu leur organisation pour ainsi dire rendue plastique, et que toute modification légère de conformation, capable de leur être avantageuse au milieu des conditions d’existence complexes dans lesquelles ils se trouvaient, a dû être conservée, tandis qu’inversement toute modification nuisible aura été rigoureusement détruite, notre étonnement doit diminuer. L’accumulation continuelle des variations utiles doit infailliblement conduire à des conformations aussi diverses, aussi admirablement adaptées à des buts variés, aussi parfaitement coordonnées, que celles que nous voyons dans les animaux et plantes qui nous entourent. Aussi ai-je parlé de la sélection comme de la puissance par excellence, soit appliquée par l’homme à la formation de ses races domestiques, soit agissant dans la nature à la production des espèces. Revenant à la métaphore donnée dans un précédent chapitre, si un architecte venait à construire un commode et bel édifice sans employer de pierres de taille, mais en choisissant parmi les pierres roulées au fond d’un précipice, celles en forme de coin pour les voûtes, les pierres longues pour les linteaux, et les plates pour son toit, nous admirerions son habileté, et la regarderions comme l’agent principal. Or les fragments de rochers, quoique indispensables à l’architecte, sont, relativement à la construction élevée par lui, dans le même rapport que le sont les variations fluctuantes de chaque être organisé, aux conformations variées et admirables qu’ont ultérieurement acquises ses descendants modifiés.

Quelques auteurs ont déclaré que la sélection naturelle n’expliquait rien, tant qu’on n’éclaircissait pas la cause précise de chaque différence individuelle. Or, si on expliquait à un