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REMARQUES FINALES

nombre. Lorsqu’il n’y a plus dans une localité que quelques individus d’une race, la reproduction continue entre eux, contribue à leur extinction finale, en diminuant leur vigueur et leur fertilité ; les chaînons intermédiaires se perdent, et les races qui ont déjà divergé deviennent ainsi très-distinctes par leurs caractères.

Nous avons, dans les chapitres consacrés au pigeon, montré par des détails historiques et par l’existence dans des pays éloignés de sous-variétés intermédiaires, que plusieurs d’entre elles ont constamment divergé par leurs caractères, et que beaucoup de nos races anciennes et intermédiaires se sont éteintes. On pourrait citer d’autres cas de l’extinction de races domestiques, comme celles du chien-loup irlandais, de l’ancien chien courant anglais, et en France de deux races, dont une était tenue en haute estime[1]. M. Pickering[2] remarque que le mouton figuré sur les plus anciens monuments égyptiens est actuellement inconnu, et qu’au moins une des variétés du bœuf existant autrefois en Égypte, s’est également éteinte. Il en a été de même pour quelques animaux et plusieurs plantes cultivées par les anciens habitants de l’Europe, pendant l’époque néolithique. Au Pérou, son Tschudi[3] trouva dans quelques tombeaux antérieurs aux Incas, deux sortes de maïs actuellement inconnues dans le pays. Quant à nos fleurs et végétaux culinaires, la production de variétés nouvelles et leur extinction n’ont pas cessé. Actuellement les races améliorées déplacent quelquefois les plus anciennes avec une rapidité extraordinaire ; c’est ce qui est arrivé en Angleterre tout récemment pour les porcs. Le bétail à longues cornes fut, dans son pays natal, « subitement balayé comme l’eût fait une épidémie meurtrière, » par l’introduction des courtes-cornes[4].

Nous pouvons voir tout autour de nous les grands résultats produits par l’action des sélections méthodique et inconsciente, contenues et jusqu’à un certain point régularisées par la sélection naturelle. Il suffit de comparer les nombreux animaux et végétaux qu’on expose dans nos concours à leurs formes

  1. M. Rufz de Lavison, Bull. Soc. imp. d’acclimat., déc. 1852, p. 1009.
  2. Races of Man, 1850, p. 315.
  3. Travels in Peru (trad. angl., p. 177).
  4. Youatt, On Cattle, p. 200 ; et On Pigs, Gard. Chron., 1854, p. 410.