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REMARQUES FINALES

ne pouvons que rarement dire pourquoi telle ou telle partie est affectée plutôt que telle autre. Toutefois, dans la plupart des cas, l’action directe des changements des conditions, à côté de la variabilité qu’ils causent indirectement par leur influence sur les organes reproducteurs, a ordinairement pour résultat des modifications non définies, à peu près de la même manière que l’exposition au froid ou l’absorption d’un même poison peuvent affecter différemment des individus divers. Nous avons lieu de croire qu’un excès habituel d’aliments très-nutritifs, ou simplement leur excès relativement à l’usure de l’organisation par l’exercice, est une cause tout particulièrement propre à déterminer la variabilité. Lorsque nous considérons les croissances symétriques et complexes que peut provoquer une parcelle infiniment petite du poison d’un gallinsecte, nous devons croire que de légers changements apportés à la nature chimique de la sève ou du sang peuvent entraîner à des modifications extraordinaires de structure.

L’accroissement de l’usage d’un muscle et des parties connexes, ainsi que l’activité augmentée d’une glande ou d’un autre organe, entraînent une augmentation dans leur développement. Le défaut d’usage produit l’effet contraire. Chez les produits domestiques, les organes deviennent quelquefois rudimentaires par atrophie, mais il est peu probable que ce résultat ait jamais été déterminé par le défaut d’usage seul. Au contraire, chez les espèces naturelles, un grand nombre d’organes paraissent avoir été rendus rudimentaires par le défaut d’usage, par l’action du principe d’économie de croissance, et par celui plus hypothétique discuté dans le chapitre précédent, c’est-à-dire la destruction finale des gemmules émanées de ces parties inutiles. On peut attribuer cette différence entre les races domestiques et les espèces naturelles à ce que le défaut d’usage n’a pas pu agir sur les premières pendant un temps suffisant, et aussi à ce que leur position les dispense de cette lutte pour l’existence, à laquelle sont soumises toutes les espèces à l’état de nature, et dont une des conséquences est une stricte économie dans le développement de chaque partie du corps. La loi de compensation ou de balancement paraît néanmoins affecter dans une certaine mesure, même nos productions domestiques.