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REMARQUES FINALES.

de l’homme comme éleveur d’animaux n’étant connue que depuis peu. La plupart des naturalistes admettent toutefois assez volontiers que plusieurs races très-dissemblables proviennent d’une souche unique, bien que, ne connaissant guère l’art de l’élevage, ils ne puissent montrer les chaînons qui les relient, ni dire où et quand les races ont pris naissance. Les mêmes naturalistes déclarent cependant, avec une circonspection philosophique, qu’ils ne pourront jamais admettre la provenance d’une espèce d’une autre, avant d’avoir sous les yeux tous les passages intermédiaires. Or, les éleveurs de fantaisie tiennent exactement le même langage relativement aux races domestiques ; ainsi l’auteur d’un excellent ouvrage dit qu’il n’accordera jamais que les pigeons Messagers et Paons descendent du bizet sauvage, « tant qu’on n’aura pas effectivement observé les transitions et qu’on ne pourra les obtenir à volonté. » Il est sans doute un peu difficile de saisir les effets considérables qui peuvent résulter de l’accumulation de légers changements pendant de nombreuses générations, mais il faut bien vaincre cette difficulté pour comprendre l’origine des races domestiques ou des espèces naturelles.

Comme nous avons tout récemment discuté les causes qui provoquent, et les lois qui régissent la variabilité, je me bornerai à en rappeler ici les points principaux. Du fait que les organismes domestiqués sont, plus que les espèces vivant à l’état de nature, sujets à de légères variations de conformation et aux monstruosités ; et de celui que les espèces jouissant d’une distribution très-étendue varient beaucoup plus que celles qui n’habitent que des régions circonscrites ; nous devons inférer que la variabilité dépend principalement du changement dans les conditions d’existence ; sans pour cela méconnaître les effets d’une combinaison inégale des caractères dérivés des deux parents, et ceux du retour vers les ancêtres. Les changements dans les conditions ont une tendance spéciale à rendre plus ou moins impuissants les organes reproducteurs, d’où ceux-ci paraissent souvent en défaut quant à la transmission fidèle des caractères des parents. Ils agissent aussi sur l’organisation d’une manière définie et directe, de manière que la plupart des individus de la même espèce qui s’y trouvent exposés se modifient d’une manière semblable ; mais nous