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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

vertu du principe de l’économie de croissance ; mais ceci n’explique pas la disparition complète, ou à peu près, d’une petite papille de tissu cellulaire représentant par exemple un pistil, ou d’un nodule osseux microscopique représentant une dent. Dans quelques cas de suppression encore incomplète, et dans lesquels on voit, par un effet de retour, reparaître parfois un rudiment d’une partie, il faut, d’après notre manière de voir, que des gemmules disséminées, provenant de cette partie, existent encore ; d’où nous devons supposer que les cellules, par union avec lesquelles le rudiment se développait autrefois, manquent, dans ces cas, d’affinité pour ces gemmules. Mais dans les cas d’atrophie totale, les gemmules ont sans doute disparu ; chose qui n’a rien d’improbable, car bien qu’il puisse y avoir, disséminées dans chaque être vivant, une quantité immense de gemmules, tant actives que dormantes, leur nombre doit être cependant limité ; et il semble naturel que des gemmules provenant d’un rudiment affaibli et inutile, soient plus sujettes à périr que celles émanant d’autres parties encore dans un état parfait d’activité fonctionnelle.

En ce qui concerne les mutilations, il est certain qu’une partie peut être lésée ou enlevée pendant plusieurs générations, sans qu’il en résulte aucun effet héréditaire, et ce fait constitue, contre notre hypothèse, une objection apparente qui n’échappera à personne. Mais, premièrement, un être ne peut guère être intentionnellement mutilé pendant les premières phases de son évolution dans l’utérus ou dans l’œuf ; et de pareilles mutilations, lorsqu’elles ont une cause naturelle, paraissent être des défectuosités congénitales, qui sont quelquefois héréditaires. En second lieu, d’après notre hypothèse, les gemmules se développent par division spontanée, et se transmettent de génération en génération, de manière à être présentes pendant une longue période, et prêtes à reproduire une partie dont l’ablation aurait été répétée. Il semble néanmoins, d’après les faits donnés au chapitre douzième, que des mutilations sont devenues héréditaires dans quelques cas fort rares, mais dans la plupart desquels les surfaces mutilées étaient devenues malades. On peut, dans ces cas, conjecturer que les gemmules de la partie enlevée, ayant été toutes graduellement attirées vers la surface malade, auront ainsi été détruites. Bien que le