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DE LA PANGENÈSE.

corporelles ou mentales, puissent être héréditaires. On ne saurait guère poser un problème plus compliqué ; mais, selon notre manière de voir, nous n’avons qu’à supposer que certaines cellules finissent par se modifier aussi bien dans leur structure que dans leurs fonctions, et qu’elles émettent alors des gemmules similairement modifiées. Ceci peut arriver à toute époque du développement, et la modification sera ensuite héréditaire à la période correspondante, car les gemmules modifiées s’uniront dans tous les cas ordinaires avec les cellules précédentes, et se développeront par conséquent à la période même à laquelle la modification avait d’abord apparu. Quant aux habitudes mentales ou instincts, nous connaissons si peu les rapports qui existent entre la pensée et le cerveau, que nous ne savons si une habitude invétérée peut provoquer quelque changement dans le système nerveux ; mais lorsqu’une habitude ou un attribut mental, ou la folie sont héréditaires, nous devons admettre qu’il y a réellement eu transmission de quelque modification effective[1] ; ce qui, selon notre hypothèse, impliquerait que des gemmules dérivées de cellules nerveuses modifiées, se transmettent à la descendance.

Il est généralement, peut-être toujours, nécessaire qu’un organisme soit, pendant plusieurs générations, exposé à des conditions ou des habitudes modifiées, pour qu’il en résulte chez ses descendants un changement dans la conformation. Ceci peut être en partie dû à ce que les changements ne sont d’abord pas assez apparents pour attirer l’attention ; mais cette explication est insuffisante, et je ne puis me rendre compte du fait, sinon par la supposition qu’appuient fortement quelques cas dont nous parlerons en traitant du retour, que les gemmules émises par la cellule avant qu’elle ait éprouvé aucune modification, sont transmises en grand nombre aux générations successives, mais que les gemmules provenant des mêmes cellules après modification, s’augmentant naturellement sous l’influence de conditions favorables, finissent par devenir assez nombreuses pour prévaloir sur les anciennes gemmules et les supplanter.

Signalons encore une autre difficulté : nous avons vu qu’il

  1. Sir H. Holland, Medical Notes, 1839. p. 32.