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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

plement par un excès de nourriture. On peut occasionnellement trouver le bord d’un pétale renfermant un des produits les plus élevés de la plante, à savoir le pollen ; ainsi, j’ai vu sur un Ophrys, une masse de pollen constituée par de petits paquets unis ensemble et au caudicule par des fils élastiques, située entre les bords d’un pétale supérieur. Des segments du calice du pois commun, partiellement convertis en carpelles, renfermant des ovules, et dont les extrémités étaient devenues des stigmates, ont été observés. On pourrait citer un très-grand nombre de faits analogues[1].

Je ne sais ce que pensent les physiologistes de faits comme ceux qui précèdent. D’après la pangenèse, les gemmules libres et surabondantes des organes transposés se seraient développées dans un mauvais endroit, pour s’être improprement réunies avec des cellules ou des agrégations de cellules pendant leur état naissant, ce qui pourrait provenir d’une légère modification dans l’affinité élective de ces cellules, ou peut-être de certaines gemmules. Nous ne devons pas nous étonner que les affinités des cellules et gemmules varient sous l’influence de la domestication, si nous nous rappelons les cas curieux signalés au chapitre dix-septième, de plantes cultivées qui refusent absolument d’être fécondées par leur propre pollen ou par celui de la même espèce, mais sont très-fertiles par le pollen d’une espèce distincte ; ce qui implique que leurs affinités électives sexuelles — c’est le terme employé par Gärtner — ont été modifiées. Comme les cellules de parties adjacentes ou homologues auront à peu près la même nature, elles seront aptes à acquérir par variation les affinités électives mutuelles les unes des autres, et nous pourrons ainsi, jusqu’à un certain point, comprendre les cas, comme les cornes nombreuses sur la tête de certains moutons, la présence de plusieurs ergots sur les pattes, de plumes sétiformes sur la tête de certaines races gallines, et l’apparition chez les pigeons, sur les pattes, de plumes et d’une membrane interdigitale, car la jambe est l’homologue de l’aile. Comme tous les organes des plantes sont homologues et partent d’un axe commun, il est tout naturel

  1. Moquin-Tandon, Tératologie végétale, 1841, p. 218, 220, 353 ; — Pour le pois, Gard. Chron., 1866, p. 897.