Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/424

Cette page a été validée par deux contributeurs.
417
DE LA PANGENÈSE.

au lieu d’un œil complet, une cornée imparfaite, sur le centre de laquelle s’était développée une portion d’antenne. On a consigné le cas d’un homme[1] qui avait eu dans ses deux dentitions, une dent molaire à la place de la deuxième incisive de gauche, particularité qu’il tenait de son grand-père paternel. On connaît plusieurs cas de dents[2] supplémentaires s’étant développées sur le palais, surtout chez les chevaux, et dans l’orbite de l’œil. Certaines races de moutons portent plusieurs cornes sur le front. On voit quelquefois apparaître des poils dans des situations singulières, comme dans les oreilles de la famille Siamoise velue ; on a même trouvé dans la substance du cerveau, des poils tout à fait normalement conformés[3]. Certains coqs de combat ont eu jusqu’à cinq ergots sur la patte. Dans la race Huppée, la huppe du coq est formée de plumes sétiformes comme celles de son cou, tandis que chez la poule elle est composée de plumes ordinaires. Dans les pigeons et poules à pattes emplumées, on voit pousser sur le côté externe des pattes et des doigts des plumes semblables à celles de l’aile. Les parties élémentaires d’une même plume peuvent même se transposer, car dans l’oie de Sébastopol, il se développe des barbules sur les filaments divisés de la tige.

Des cas analogues sont si fréquents chez les plantes qu’ils ne nous frappent pas, et que nous ne leur accordons pas l’attention qu’ils méritent. Des pétales, étamines et pistils surnuméraires se produisent très-souvent. J’ai vu une foliole de la feuille composée du Vicia sativa convertie en une vrille ; or, les vrilles possèdent souvent des propriétés particulières, telles que le mouvement spontané et l’irritabilité. Le calice revêt souvent, en totalité ou par bandes, la couleur et la texture de la corolle. Les étamines sont si fréquemment converties plus ou moins complétement en pétales, qu’on n’y fait aucune espèce d’attention ; mais comme les pétales ont des fonctions spéciales à remplir, telles que de protéger les organes qu’ils enveloppent, d’attirer les insectes, et, dans bien des cas, de diriger leur entrée par des dispositions spéciales, nous ne pouvons guère expliquer la conversion des étamines en pétales sim-

  1. Sedgwick, Medico-Chirurg. Review, avril 1863, p. 454.
  2. Isid. Geoff. Saint-Hilaire, Hist. des anomalies, t. I, 1832, p. 435, 657 ; — t. II, p. 560.
  3. Virchow, Pathologie cellulaire, 1866.