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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

propager par bourgeons ; car, d’après notre hypothèse, cela implique que les cellules des hybrides émettent des gemmules hybrides, qui s’agrègent en bourgeons, mais ne se réunissent pas dans les organes reproducteurs, pour former les éléments sexuels. De la même manière, un grand nombre de plantes sorties de leurs conditions naturelles, cessent de produire de la graine, mais se propagent activement par bourgeons. Nous verrons bientôt que la pangenèse s’accorde bien avec la tendance prononcée vers le retour que présentent tous les organismes croisés, animaux et végétaux.

Le bourgeonnement ou la scission ne différant dans notre hypothèse de la génération séminale que par le mode primitif de l’agrégation des gemmules, nous pouvons comprendre la possibilité de la formation des hybrides de greffe, lesquels, combinant les caractères des deux formes dont les tissus ont été réunis, relient entre elles de la manière la plus étroite et la plus intéressante, la gemmation avec la reproduction sexuelle.

Nous avons fourni des preuves nombreuses montrant que le pollen d’une espèce ou variété, appliqué sur le stigmate d’une autre, affecte quelquefois directement les tissus de la plante mère. Ce fait, qui lors de la fécondation doit avoir lieu dans bien des plantes, ne peut se constater que lorsqu’on croise des formes distinctes. Dans la théorie ordinaire de la reproduction, ce fait est anormal au plus haut point, car les grains de pollen sont évidemment destinés à agir sur l’ovule ; mais dans ces cas ils agissent sur la couleur, la texture et la forme des enveloppes des graines, sur l’ovaire lui-même qui n’est qu’une feuille modifiée, et quelquefois sur le calice et la partie supérieure du pédoncule floral. D’après l’hypothèse de la pangenèse, le pollen renfermant des gemmules dérivées de toutes les parties de l’organisme, qui se disséminent et se multiplient par division spontanée, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que les gemmules du pollen, qui émanent des parties voisines des organes reproducteurs, fussent parfois capables d’affecter les points correspondants de la plante maternelle, pendant qu’ils sont encore en voie de développement. Comme pendant toutes les phases de leur évolution, les tissus des plantes sont formés de cellules, et qu’on ne sache pas qu’il se produise