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DE LA PANGENÈSE.

l’agrégation des gemmules dans les organes sexuels, ni pourquoi des bourgeons adventifs peuvent se développer un peu partout, même sur un pétale, et souvent sur des blessures cicatrisées[1]. Aussitôt que les gemmules se sont agrégées, le développement commence, mais dans le cas des bourgeons, il est quelquefois suspendu, et cesse bientôt dans les éléments sexuels, à moins que ceux des deux sexes opposés ne viennent à se combiner ; même après cette réunion, le germe fécondé, ainsi que cela a lieu pour les graines enfouies dans le sol, peut quelquefois rester longtemps à un état dormant.

L’antagonisme observé depuis longtemps[2], quoiqu’il y ait des exceptions[3] — entre la croissance active et la reproduction sexuelle, — entre la réparation des lésions et la gemmation, — et chez les plantes, entre la multiplication rapide par bourgeons, rhizomes etc., et la production de graines, peut en partie s’expliquer par le fait que les gemmules ne se trouvent pas en nombre suffisant pour fournir aux deux modes de reproduction. Mais cette explication ne peut guère s’appliquer aux plantes qui, produisant naturellement beaucoup de graines, n’en donnent plus que peu ou point, dès que le nombre des bourgeons sur leurs rhizomes ou leurs rejetons augmente. Toutefois, comme les bourgeons, ainsi que nous le verrons tout à l’heure, renferment probablement un tissu qui a déjà été, jusqu’à un certain point, développé ou différencié, une certaine portion de matière organisée aura dû être dépensée à cet effet.

La division spontanée, qui est une des formes de la reproduction, nous amène par gradations insensibles à la réparation des moindres lésions ; et l’existence de gemmules émanées de chaque unité du corps entier et disséminées partout, explique tous les cas de ce genre, — même le fait merveilleux que,

  1. Rev. J. M. Berkeley, Gard. Chron., avril 1866, sur un bourgeon développé sur un pétale de Clarkia. — H. Schacht, Lehrbuch der Anat., etc., 1859, part. II, p. 12, sur les bourgeons adventifs.
  2. M. H. Spencer (Principles of Biology, t. II, p. 430) a longuement discuté l’antagonisme entre la croissance et la reproduction.
  3. Le saumon mâle reproduit de bonne heure. Le Triton et le Siredon sont capables de reproduction ayant encore leurs branchies larvaires, d’après Filippi et Duméril (Ann. and Mag. of Nat. Hist., 3e série, 1866, p. 157). — E. Häckel (Monatsbericht Akad. Wiss. Berlin, 1865) a observé le cas surprenant d’une méduse pourvue d’organes reproducteurs actifs, qui produisit par gemmation une forme toute différente de la méduse, ayant elle-même la propriété de se reproduire par génération sexuelle. Krohn a montré (Ann. and Mag. of Nat. Hist., 3e série, vol. xix, 1862, p. 6) que d’autres méduses, quoique parfaitement munies d’organes sexuels, se propagent par gemmes.