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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

velle modification pourrait être perdue pour un temps ou pour toujours. L’agrégation des gemmules émanées des diverses parties du corps, en raison de leur affinité mutuelle, formerait les bourgeons, et leur agrégation d’une manière spéciale, probablement en petite quantité, jointe à la présence de gemmules de certaines cellules primordiales, constituerait les éléments sexuels. J’espère avoir par ces exemples rendu intelligible l’hypothèse de la pangenèse.

Les physiologistes admettent que bien que dépendante des autres, chaque cellule jouit cependant d’une certaine indépendance ou autonomie. Je ferai un pas de plus, et je supposerai que chaque cellule émet une gemmule libre, capable de reproduire une cellule semblable. Il y a là quelque analogie avec ce que nous voyons dans les animaux composés et les bourgeons floraux d’un même arbre ; car ce sont des individus distincts susceptibles d’une véritable reproduction séminale, qui ont cependant quelque chose en commun et sont dépendants les uns des autres ; ainsi les arbres ont le tronc et l’écorce, et certains coraux, comme les Virgularias, ont en commun, non-seulement quelques parties, mais même des mouvements.

L’existence de gemmules libres est une supposition gratuite, mais qui ne peut être considérée comme très-improbable, puisque les cellules peuvent se multiplier par division de leur contenu. Les gemmules ne diffèrent des vrais ovules ou bourgeons qu’en ce qu’on les suppose capables de se multiplier dans leur état non développé. Or, une telle capacité n’a rien d’improbable. On a vu le blastème de l’œuf se diviser et produire deux embryons ; et Thuret[1] a vu la zoospore d’une algue se séparer en deux parties, qui toutes deux ont germé. Un atome de virus variolique assez ténu pour être emporté par le vent, doit se multiplier des milliers de fois dans l’individu inoculé[2]. On a récemment vérifié[3] qu’une parcelle infiniment petite de la mucosité provenant d’un animal atteint de la peste bovine, placée dans le sang d’un bœuf sain, augmente si rapidement qu’au bout de peu de temps, la masse entière du sang est infectée, et que la moindre quantité de ce liquide contient

  1. Ann. des sc. nat., 3e série, Bot., t. XIV, 1850, p. 244.
  2. Prof. Lionel Beale, Med. Times and Gazette, sept. 1865, p. 273, 330.
  3. Third Report of R. Comm. on the Cattle Plague, Gard. Chron., 1866, p. 446.