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DE LA PANGENÈSE.

Indépendance fonctionnelle des éléments ou unités du corps. — Les physiologistes s’accordent à reconnaître que l’organisme entier se compose d’une foule de parties élémentaires, qui sont toutes en une grande mesure, indépendantes les unes des autres. Chaque organe, dit Claude Bernard[1], a sa vie propre, son autonomie ; il peut se développer et se reproduire par lui-même, indépendamment des tissus adjacents. Virchow[2] affirme encore plus énergiquement, « que chaque système, comme les systèmes osseux, nerveux ou sanguin, consiste en une masse considérable de petits centres d’action… Chaque élément a son action spéciale propre, et bien qu’il tire d’autres parties l’action stimulante de son activité, il n’en exécute pas moins seul ses fonctions spéciales… Chaque cellule épithéliale, et chaque fibre musculaire mène en quelque sorte une existence de parasite relativement au reste du corps… Chaque corpuscule osseux, possède effectivement des conditions de nutrition qui lui sont propres. » Et, comme le fait remarquer M. Paget, chaque élément vit pendant le temps qui lui est assigné, meurt, et est remplacé après avoir été rejeté ou résorbé[3]. Aucun physiologiste ne met en doute que, par exemple, chaque corpuscule osseux du doigt, ne diffère du corpuscule correspondant qui se trouve dans l’articulation correspondante de l’orteil, et il est certain que même ceux des deux côtés du corps diffèrent, quoique étant de nature presque identique. Cette similitude voisine de l’identité se manifeste d’une manière curieuse par les maladies dans lesquelles les points correspondants des côtés droit et gauche du corps sont affectés d’une manière semblable ; ainsi M. Paget[4] a figuré un bassin malade, dans lequel l’os offre un contour des plus complexes, mais dont tous les traits de conformation d’un côté sont identiquement reproduits de l’autre.

Un grand nombre de faits viennent appuyer cette opinion de la vie indépendante de chacun des éléments du corps. Virchow admet qu’un seul corpuscule osseux ou une seule cellule de la peau, peuvent devenir malades. L’ergot d’un coq,

  1. Des tissus vivants, 1866, p. 22.
  2. Pathologie cellulaire, trad. angl., 1860, p. 14, 18, 83, 460.
  3. Paget, Surgical Pathology, t. I, 1853, p. 12–14.
  4. Id., ibid., p. 19.