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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

à un état dormant pendant une ou plusieurs saisons ; mais des graines ou ovules non fécondés, et des bourgeons détachés, seraient également propres à remplir ces deux buts. Nous pouvons cependant indiquer deux avantages importants qui peuvent résulter du concours de deux sexes, ou plutôt de deux individus de sexes opposés, car ainsi que je l’ai montré précédemment, la conformation de tout organisme paraît être spécialement adaptée en vue du concours, au moins occasionnel, de deux individus. De même qu’on admet que l’hybridité, en tant que provoquant la stérilité, est avantageuse en ce qu’elle contribue à maintenir les formes distinctes, et adaptées à leur propre place dans la nature ; de même lorsque les espèces sont rendues variables par les changements dans les conditions extérieures, le libre entrecroisement des individus variant tendra à conserver à chaque forme son adaptation spéciale aux conditions dans lesquelles elle se trouve. Or, le croisement ne peut s’effectuer que par génération sexuelle ; cependant il est fort douteux que le but ainsi obtenu soit suffisamment important pour expliquer l’origine première du concours des deux sexes. J’ai aussi montré, après examen d’un grand nombre de faits, qu’un léger changement dans les conditions extérieures étant avantageux à chaque être, il en était de même du changement exercé sur le germe par l’union sexuelle avec un individu distinct, et à en juger par les innombrables moyens par lesquels la nature semble avoir assuré la possibilité de pareilles unions, la plus grande vigueur de tous les organismes croisés, et les effets nuisibles d’une reproduction consanguine trop prolongée, on est porté à croire qu’il doive en résulter de grands avantages. Le concours des deux sexes peut, cela va sans dire, outre les avantages ci-dessus indiqués, en offrir d’autres qui nous sont inconnus.

Il est également difficile de comprendre pourquoi le germe qui, avant la fécondation, subit un commencement de développement, cesse de progresser et périt s’il n’arrive pas en contact avec l’élément mâle ; et pourquoi, inversement, l’élément mâle qui peut rester vivace pendant quatre et même cinq ans dans le spermathèque de l’insecte femelle, périt également s’il ne se réunit pas au germe. Il est toutefois possible que les deux éléments sexuels périssent à moins d’être réunis, parce qu’ils