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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

toujours exactement les caractères de la forme parente, tandis que les germes fécondés se développent en des êtres qui diffèrent à un degré plus ou moins grand, soit entre eux soit de leurs parents : mais il n’y a point entre ces formes de distinction aussi tranchée. Nous avons consigné, dans le onzième chapitre, un grand nombre de cas, montrant que les plantes peuvent occasionnellement donner des bourgeons possédant des caractères nouveaux et fortement accusés, et qu’on peut même par bourgeons longtemps propager les variétés ainsi produites, et quelquefois même par graine. On peut néanmoins admettre que les êtres produits par voie sexuelle sont plus sujets à varier que ceux qui le sont asexuellement, fait dont nous chercherons par la suite à donner une explication partielle. Dans les deux cas, la variabilité est provoquée par les mêmes causes générales, et régie par les mêmes lois. On ne peut donc pas établir de distinction entre les variétés provenant de bourgeons, et celles provenant de graine. Bien que les variétés de bourgeons conservent ordinairement leurs caractères pendant les générations suivantes, elles peuvent cependant quelquefois, même après une très-longue série de générations par bourgeons, faire retour à leurs anciens caractères ; et cette tendance au retour chez les bourgeons est un des points de ressemblance les plus importants parmi ceux qu’on peut reconnaître entre les produits de la reproduction par gemmation et ceux de la génération séminale.

Il existe toutefois, entre les produits par génération sexuelle et asexuelle, une différence qui est très-générale. Les premiers passent dans le cours de leur développement d’un état inférieur à un état supérieur, comme nous le voyons dans les métamorphoses des insectes et dans celles des vertébrés ; mais ce passage ne peut être considéré comme nécessairement lié à la reproduction sexuelle, car on ne remarque rien de semblable dans le développement des Aphides, parmi les insectes, ni dans certains crustacés et céphalopodes, ni dans aucune plante vasculaire supérieure. Les animaux propagés asexuellement par bourgeonnement ou scission, ne présentent d’autre part aucun exemple d’une métamorphose rétrograde ; c’est-à-dire qu’ils ne descendent pas d’abord à un degré inférieur, avant d’arriver aux phases supérieures et finales de leur développe-