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HÉRÉDITÉ.

que présente le mouton à faire retour aux teintes sombres, je puis constater (bien que par là j’empiète sur le domaine du retour dans les races croisées) que, d’après le Rév. W. D. Fox, sept brebis Southdowns blanches, livrées à un bélier espagnol marqué de deux petites taches noires sur les côtés, donnèrent naissance à treize agneaux, tous parfaitement noirs. M. Fox croit que ce bélier appartenait à une race qu’il avait autrefois élevée, et qui est toujours tachetée de noir, et il a observé que les moutons Leicester, croisés avec ces béliers, produisaient toujours des agneaux noirs : il a continué à recroiser ces moutons métis avec des Leicester blancs et purs, et pendant trois générations successives, il a obtenu le même résultat. M. Fox a également appris de la personne qui avait fourni le bélier tacheté, que des croisements d’animaux de cette race avec des moutons blancs, continués pendant sept générations, avaient invariablement produit des agneaux noirs.

On peut citer des faits analogues chez les races de volaille sans queue ; ainsi, M. Hewitt[1] a élevé des produits provenant de parents sans croupion, qui présentaient une queue à rectrices parfaitement développées, et qui furent jugés assez bons pour mériter une prime dans un concours. Après renseignements, on apprit de l’éleveur de ces poules que, depuis qu’il les possédait, elles avaient plusieurs fois produit des oiseaux à queue bien fournie, mais qui, à leur tour, reproduisaient de nouveau des poulets sans croupion.

Des cas de retour analogues se rencontrent dans le règne végétal ; ainsi, de graines recueillies sur les plus belles variétés cultivées de Pensées (Viola tricolor), on obtient fréquemment des plantes qui, par leurs feuilles et leurs fleurs, sont tout à fait sauvages[2] ; mais, dans ce cas, le retour ne remonte pas à une période bien ancienne, car les meilleures variétés de Pensées actuellement cultivées, sont d’origine assez récente. Chez tous nos végétaux cultivés, on remarque quelque tendance au retour, vers ce qui était, ou tout au moins, ce qu’on présume avoir été leur état originel ; et le fait serait bien plus évident si les horticulteurs n’avaient pas l’habitude d’enlever

  1. Poultry Book, par M. Tegetmeier, 1866, p. 231.
  2. Loudon’s Gard. Magaz., x, 1834, p. 396. Un pépiniériste très-expert sur le sujet m’a également assuré que le fait arrivait souvent.