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HYPOTHÈSE PROVISOIRE

sont essentiellement semblables[1]. Le professeur Huxley dit que la fissiparité n’est presque qu’un mode particulier de gemmation, et le professeur H.-J. Clark a montré avec détails qu’il y a quelquefois comme une transaction entre la division spontanée et le bourgeonnement. Lorsqu’un membre est amputé, ou que le corps est coupé en deux, on dit que les extrémités coupées bourgeonnent, et comme la papille qui se forme la première, consiste en un tissu cellulaire non développé, comme celui d’un bourgeon ordinaire, l’expression est correcte. Nous voyons encore d’une autre manière l’analogie des deux modes ; car Trembley a observé que chez l’hydre, la reproduction de la tête après amputation était arrêtée aussitôt que l’animal commençait à produire des bourgeons[2].

Entre la production par fissiparité de deux ou plusieurs individus complets, et la réparation d’une lésion de peu d’importance nous trouvons, comme nous l’avons remarqué précédemment, une gradation si insensible et si complète qu’il est impossible de mettre en doute la similitude de ces deux procédés. Entre la force qui répare une lésion insignifiante dans quelque partie que ce soit, et celle qui auparavant travaillait à la maintenir dans son intégrité par le renouvellement continu de ses molécules, il ne peut pas y avoir de grande différence, et nous pouvons avec M. Paget admettre que dans les deux cas, c’est la même force qui agit. Comme à chaque phase de croissance, une partie amputée est remplacée par une autre au même état de développement, nous devons également admettre avec M. Paget[3] que les forces qui déterminent le développement de l’embryon sont identiques à celles qui agissent pour la réparation des lésions, ou en d’autres termes, que les mêmes forces qui amènent d’abord l’organisme à sa perfection, sont aussi celles qui l’y ramènent, lorsqu’elle se perd. Finalement, concluons que les diverses formes de gemmation et de géné-

  1. Dr Lachmann (Ann. and Mag. of Nat. Hist., 2e série, t. XIX, 1857, p. 231) remarque, au sujet des infusoires, que la scission et la gemmation passent insensiblement l’une à l’autre. M. W. C. Minor, Ann. and Mag., etc., 3e série, t. XI, p. 328, montre que chez les Annélides la distinction qu’on a faite entre les deux modes n’est pas fondamentale. Bonnet, Œuvres d’hist. nat., t. v, 1781, p. 339, pour remarques sur le bourgeonnement des membres amputés chez les salamandres. Voir aussi prof. Clark, Mind in Nature, New-York, 1865, p. 62, 94.
  2. Paget, O. C., p. 158.
  3. Id., ibid., p. 152, 164.