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DE LA PANGENÈSE.

l’historien des sciences d’induction, les hypothèses quoique incomplètes ou même erronées peuvent souvent rendre des services à la science. C’est à ce point de vue que je risque l’hypothèse de la pangenèse, qui implique que dans l’organisme tout entier, chacun des atomes ou unités qui le composent se reproduit lui-même. D’où les ovules et les grains de pollen, la graine fécondée ou l’œuf, ainsi que les bourgeons, consistent en, et comprennent une multitude de germes émanant de chacun des atomes séparés de l’organisme.

Je vais dans la première partie énumérer aussi brièvement que possible les groupes de faits qui paraissent devoir être reliés ensemble, et à ce propos j’aurai à traiter avec quelques détails plusieurs points qui n’ont pas encore été discutés. Dans la seconde partie, j’énoncerai l’hypothèse ; et après avoir examiné jusqu’à quel point les suppositions nécessaires auxquelles elle entraîne sont en elles-mêmes improbables, nous verrons si elle atteint bien le but en permettant de ramener à un point de vue unique les divers groupes de faits qu’il s’agit de relier entre eux.

PREMIÈRE PARTIE.

On peut admettre deux classes principales de reproduction, qui sont les reproductions sexuelle et asexuelle. Cette dernière a lieu de plusieurs manières, — par gemmation, c’est-à-dire par formation de bourgeons de diverses espèces, et par génération fissipare, soit par division spontanée ou artificielle. Il est connu que certains animaux inférieurs peuvent, lorsqu’on les coupe en morceaux, reproduire autant d’individus complets. Lyonnet a coupé une Naïs en quarante fragments, qui tous devinrent des animaux parfaits[1]. Il est probable que chez quelques protozoaires on pourrait pousser la segmentation plus loin encore, et que dans les plantes les plus inférieures, chaque cellule pourrait reproduire la forme parente ; J. Müller croyait à une distinction essentielle entre la gemmation et la fissiparité, car dans cette dernière la portion séparée, si petite qu’elle soit, est plus parfaitement organisée ; mais la plupart des physiologistes sont actuellement convaincus que les deux procédés

  1. Paget, Lectures on Pathology, 1853, p. 159.