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LOIS DE LA VARIATION.

les parois de l’estomac et peut accroître ou diminuer la longueur des intestins. Le défaut persistant d’usage d’autre part, affaiblit et réduit toutes les parties de l’organisme. Chez les animaux qui pendant un certain nombre de générations n’ont pris que peu d’exercice, les poumons diminuent, et avec eux se modifient la charpente osseuse de la poitrine, puis la forme du corps entier. Les ailes dont nos oiseaux anciennement domestiqués ne se servent presque plus, se sont réduites légèrement, et avec elles, la crête sternale, les omoplates, les coracoïdiens et la fourchette.

Si, chez les animaux domestiques, la réduction résultant du défaut d’usage d’un organe ne va jamais jusqu’à n’en laisser qu’un rudiment, nous avons tout lieu de croire qu’à l’état de nature, le contraire a dû souvent arriver. Les causes de cette différence sont probablement que, d’abord le temps nécessaire pour qu’un aussi grand changement ait pu s’opérer, a manqué à nos animaux domestiques, mais surtout que ceux-ci n’étant pas dans cet état soumis à la lutte inflexible et rigoureuse pour l’existence, n’ont pas subi l’action de la loi d’économie de l’organisation. Nous voyons même, au contraire, certaines conformations, rudimentaires chez les espèces parentes sauvages, se redévelopper partiellement sur leurs descendants domestiques. Lorsque des rudiments se forment ou persistent à l’état domestique, ils sont le résultat d’un arrêt brusque de développement et non d’un défaut d’usage continu, avec résorption des parties superflues ; il n’en sont cependant pas moins intéressants, car ils prouvent que les rudiments sont les reliques d’organes autrefois parfaitement développés.

Les habitudes corporelles, périodiques et mentales, — bien que nous ayons laissé de côté ces dernières dans cet ouvrage, — se modifient par la domestication, et leurs changements sont souvent héréditaires. Des changements d’habitude de même genre chez tout être organisé, surtout vivant à l’état de nature, auraient certainement pour résultat une augmentation ou une diminution de l’usage de certains organes, et par conséquent y détermineraient des modifications. Ensuite d’habitudes persistantes et surtout de la naissance occasionnelle d’individus présentant une constitution un peu différente, les animaux domestiques et les plantes cultivées s’acclimatent