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LOIS DE LA VARIATION.

sième, il a autrefois existé, et il existe même encore dans plusieurs parties du globe, à un état sauvage ou à peu près, du bétail blanc, avec les oreilles, les pieds et l’extrémité de la queue, de couleur foncée.

Quant aux variations analogiques du second groupe, dues au retour, c’est chez les animaux et surtout chez les pigeons que nous en trouvons les meilleurs exemples. Dans toutes les races les plus distinctes, nous voyons parfois apparaître des sous-variétés présentant identiquement la coloration de l’espèce souche, le Bizet, avec les barres noires sur l’aile, le croupion blanc, la queue barrée, etc., et là on ne peut douter que ces caractères ne soient un effet de retour. Il en est de même pour des détails de moindre importance : les Turbits ont ordinairement la queue blanche, mais il naît de temps à autre un oiseau à queue foncée et barrée de noir ; les Grosses-gorges ont normalement des rémiges blanches, mais il n’est pas rare de voir apparaître un individu dont quelques rémiges primaires sont foncées. Dans tous ces cas, nous retrouvons des caractères propres au Bizet, mais nouveaux pour la race, et qui sont évidemment un fait de retour. Dans quelques variétés domestiques, les barres alaires, au lieu d’être noires comme dans le Bizet, sont élégamment bordées de différentes zones de couleur ; elles offrent alors une très-grande analogie avec les bandes alaires de certaines espèces naturelles de la même famille, comme le Phaps chalcoptera ; ce qui doit probablement s’expliquer par le fait que toutes les formes provenant d’un ancêtre reculé, ont une tendance à varier de la même manière. Nous pouvons peut-être ainsi comprendre pourquoi quelques pigeons Rieurs roucoulent presque comme les tourterelles, et nous rendre compte du fait que certaines races offrent des particularités bizarres dans leur manière de voler ; car quelques espèces naturelles, comme les C. torquatrix et palumbus, sont aussi singulièrement fantastiques sous ce rapport. Dans d’autres cas, une race, au lieu d’imiter par ses caractères une espèce distincte, ressemblera à quelque autre race ; ainsi on voit des Runts qui tremblent et relèvent un peu la queue, comme les pigeons Paons ; et des Turbits qui gonflent la partie supérieure de leur œsophage, comme les Grosses-gorges.

Il est assez fréquent de rencontrer certaines marques qui caractérisent d’une manière persistante toutes les espèces d’un genre, tout en différant par la nuance ; c’est ce qui arrive aux variétés du pigeon. Ainsi, au lieu d’un plumage général d’un bleu ardoisé avec des barres alaires noires, on rencontre des variétés blanches avec des barres rouges, ou noires avec des barres blanches ; dans d’autres, comme nous venons de le voir, les barres alaires sont élégamment zonées de différentes teintes. Le pigeon Heurté a pour caractères un plumage tout blanc, à l’exception de la queue et d’une tache sur le front, qui sont colorées, mais peuvent être rouges, jaunes ou noires. Dans le Bizet et beaucoup de variétés, la queue est bleue, et les rectrices externes sont extérieurement bordées de blanc ; nous trouvons la variation inverse chez une sous-variété du pigeon Moine, qui a la queue blanche avec le côté externe des rectrices extérieures bordé de noir[1].

  1. Bechstein, Naturg. Deutschland’s, vol. IV, 1795, p. 31.