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COMPENSATION.

presque en même temps par Gœthe et Geoffroy Saint-Hilaire. Elle implique que lorsque la matière organisée se porte en abondance sur une partie, d’autres en souffrent et subissent une réduction. Plusieurs auteurs, surtout parmi les botanistes, l’admettent ; d’autres la repoussent. Autant que je puis en juger, elle est généralement vraie, mais on a probablement exagéré son importance. Il est à peine possible de distinguer entre les effets supposés de la compensation de croissance, et ceux d’une sélection longtemps prolongée, qui peut, elle aussi, et en même temps, provoquer l’augmentation d’une partie et la diminution d’une autre. Il n’est en effet pas douteux qu’un organe peut être considérablement augmenté sans qu’on remarque aucune diminution correspondante dans les parties adjacentes ; ainsi, pour en revenir à notre exemple de l’élan Irlandais, on pourrait se demander quelle est la partie qui a souffert de l’immense développement de ses bois ?

Nous avons déjà remarqué que la lutte pour l’existence n’existe presque pas pour nos produits domestiques ; il en résulte qu’ils ne sont que rarement ou pas du tout soumis à l’action de la loi d’économie de croissance, et nous ne devons pas nous attendre à trouver chez eux des cas fréquents d’une compensation. Il y en a cependant ; Moquin-Tandon a décrit une fève monstrueuse[1], chez laquelle les stipules étaient énormément développées, tandis que les folioles paraissaient tout à fait avortées ; ce cas est intéressant comme représentant l’état naturel du Lathyrus aphaca, qui a des stipules très-grandes et des feuilles réduites à de simples fils semblables à des vrilles. De Candolle[2] a observé que les variétés du Raphanus sativus qui ont de petites racines, donnent beaucoup de graines, utiles par leur huile, tandis que celles à grosses racines, sont peu productives sous ce rapport ; il en est de même du Brassica asperifolia. Les variétés de pommes de terre qui produisent des tubercules de très-bonne heure dans la saison, ne donnent que rarement des fleurs, et A. Knight[3] a pu les forcer à en produire, en arrêtant la croissance des tubercules. D’après

  1. O. C., p. 156. — Voir mon travail sur les plantes grimpantes, Journ. of Linn. Soc. Bot., t. IX, 1865, p. 114.
  2. Mémoires du Muséum, etc., t. VIII, p. 178.
  3. Loudon’s Encyclop. of Gardening, p. 829.