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LOIS DE LA VARIATION.

Ces rudiments de membres sont quelquefois héréditaires, comme on l’a observé chez un chien[1].

Un grand nombre d’anomalies moindres qui se rencontrent dans nos animaux domestiques paraissent être dues à des arrêts de développement. Nous savons rarement, sauf dans les cas de lésions directes de l’embryon dans l’œuf ou dans l’utérus, quelle peut être la cause de ces arrêts. Nous pouvons inférer de ce que l’organe affecté n’est presque jamais entièrement atrophié, et qu’il en reste généralement une trace, que la cause n’agit pas ordinairement dans les toutes premières périodes du développement embryonnaire. Les oreilles externes sont représentées par de simples vestiges dans une race chinoise de moutons, et dans une autre, la queue se réduit à un petit bouton chargé de graisse[2]. Il reste un petit tronçon chez les chiens et chats sans queue, mais j’ignore si, dans les premiers temps de l’état embryonnaire, ce tronçon comprend les rudiments de toutes les vertèbres caudales. La crête et les caroncules sont très-rudimentaires chez certaines races gallines, ainsi que les ergots chez les Cochinchinois. Chez le bétail de la race Suffolk sans cornes, on peut souvent, dans les jeunes individus, sentir des rudiments de cornes[3] ; et dans les espèces à l’état de nature, le plus grand développement relatif des organes rudimentaires dans les premières périodes de la vie est très-caractéristique. Dans les races de bétail et de moutons sans cornes, on a observé d’autres rudiments singuliers consistant en petites cornes pendantes, et fixées à la peau seulement, qui tombent quelquefois et repoussent. Dans les chèvres sans cornes, d’après Desmarest[4]. les protubérances osseuses qui portent normalement les cornes existent à l’état de simples rudiments.

Dans les plantes cultivées, il n’est pas rare de rencontrer les pétales, étamines, et pistils, représentés par des rudiments semblables à ceux qu’on observe dans les espèces naturelles. Il en est de même de la graine dans quelques fruits ; ainsi, près d’Astrakhan, il y a une variété de raisin qui ne renferme que des traces de graines, si petites et placées si près du pédoncule qu’on ne les aperçoit pas en mangeant le fruit[5]. Dans quelques variétés de la courge, les vrilles, selon Naudin, sont représentées par des rudiments ou des productions monstrueuses. Dans le broccoli et le chou-fleur, la plupart des fleurs ne peuvent s’épanouir et contiennent des organes rudimentaires. Dans le Muscari comosum, les fleurs supérieures et centrales, sont brillamment colorées, mais rudimentaires ; la culture augmente cette tendance à l’atrophie, et toutes les fleurs deviennent rudimentaires, mais les étamines et pistils avortés sont plus grands dans les fleurs inférieures que dans les supérieures. Dans le Viburnum opulus, d’autre part, les fleurs extérieures ont naturellement les organes de fructification incomplets, et la corolle est très-grande ; dans les plantes cultivées, la même

  1. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Hist. nat. des anomalies, 1836, t. II, p. 210, 223, 224, 395. — Philos. Transact., 1775, p. 313.
  2. Pallas, dans Youatt, On Sheep, p. 25.
  3. Youatt, On Cattle, 1834, p. 174.
  4. Encyclop. méthodique, 1820, p. 483 ; p. 500, pour la chute des cornes chez le zébu.
  5. Pallas, Travels, trad. angl., vol. I, p. 243.