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LOIS DE LA VARIATION.

Les anciens auteurs agricoles de la Chine recommandent la conservation et la culture des variétés propres à chaque pays. Columelle écrivait à l’époque classique : « Vernaculum pecus peregrino longe præstantius est[1]. »

On a souvent considéré comme chimérique toute tentative pour acclimater soit des animaux, soit des plantes. On peut sans doute, dans la plupart des cas, qualifier ainsi les essais de ce genre, si on les tente en dehors de la production de variétés nouvelles douées d’une constitution différente. L’habitude, quoique très-prolongée, produit rarement quelque effet sur une plante propagée par bourgeons ; et elle ne semble agir qu’au travers de générations séminales successives. Le laurier, le laurier-cerise, etc., le topinambour, qu’on propage par boutures ou tubercules, sont probablement encore aussi délicats en Angleterre qu’ils l’étaient lors de leur première introduction ; et cela paraît également être le cas pour la pomme de terre, qui, jusqu’à ces tout derniers temps, n’avait que rarement été propagée par graine. Mais tant pour les animaux que pour les plantes levées de semis, il n’y aura que peu ou point d’acclimatation, si, intentionnellement ou d’une manière inconsciente, les individus les plus robustes ne sont pas conservés. On a souvent invoqué le haricot comme un exemple d’une plante qui n’est pas devenue plus robuste depuis sa première introduction en Angleterre. Une excellente autorité[2] nous apprend toutefois que de la fort belle graine importée du dehors avait produit des plantes qui, après avoir fleuri avec profusion, avaient presque toutes avorté, tandis que des plantes voisines levées de graine anglaise avaient donné des gousses en abondance ; ce qui indique pourtant un certain degré d’acclimatation chez nos plantes anglaises. Nous avons eu aussi occasion de voir que de jeunes plantes de haricots, douées d’une certaine aptitude à résister au gel, apparaissent occasionnellement, mais personne, que je sache, n’a jamais séparé ces plantes plus robustes pour empêcher tout croisement accidentel, ni ensuite recueilli la graine, et continué ainsi année par année. On peut objecter avec raison que la sélection naturelle devrait

  1. Mémoire sur les Chinois, t. XI, 1786. p. 60. — La citation de Columelle se trouve dans Cartier, Journal de physique, t. XXIV, 1784.
  2. MM. Hardy and Son, Gardener’s Chronicle, 1856, p. 589.