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ACCLIMATATION.

Pour citer un exemple chez les fleurs : onze plantes levées de la graine d’une passe-rose, nommée la Reine des Blanches[1], se sont trouvées beaucoup plus délicates que plusieurs autres produites de semis. On peut présumer que toutes les variétés délicates réussiraient mieux sous un climat plus chaud que le nôtre. On sait que certaines variétés d’arbres fruitiers, comme le pêcher, supportent mieux que d’autres d’être forcées en serre ; fait qui dénote ou une flexibilité d’organisation ou quelque différence constitutionnelle. Un même cerisier, forcé, a graduellement, dans le cours de quelques années, changé l’époque de sa végétation[2]. Peu de Pelargoniums peuvent résister à la chaleur d’un fourneau, mais l’Alba multiflora, à ce qu’assure un très-habile jardinier, peut supporter pendant tout l’hiver une température énorme, sans être plus éprouvée que dans une serre ordinaire ; et la variété Blanche-fleur semble avoir été faite pour végéter l’hiver, comme certains bulbes, et se reposer l’été[3]. On ne peut donc douter que l’Alba multiflora ne doive avoir une constitution bien différente de celle des autres variétés de Pelargoniums, et qu’elle pourrait probablement supporter un climat équatorial.

Nous avons vu, d’après Labat, que la vigne et le froment doivent être acclimatés pour pouvoir réussir dans les Indes occidentales. Des faits analogues ont été observés à Madras : des graines de réséda, provenant les unes d’Europe, les autres de Bangalore (dont la température moyenne est beaucoup au-dessous de celle de Madras), furent semées ensemble ; toutes deux végétèrent d’abord également bien ; mais, peu de jours après être sorties de terre, les premières périrent toutes ; les autres ont survécu et sont devenues belles et vigoureuses. De même la graine de navets et de carottes recueillie à Hyderabad réussit mieux à Madras que celle venant d’Europe ou du Cap de Bonne-Espérance[4].

M. J. Scott, du Jardin Botanique de Calcutta, m’apprend que les graines du pois de senteur (Lathyrus odoratus), provenant d’Angleterre, produisent des plantes à petites feuilles et à tiges épaisses et rigides, qui ne fleurissent que rarement et ne donnent jamais de graines ; celles levées de graines venant de France fleurissent modérément, mais ont toutes leurs fleurs stériles. Les plantes levées de la graine des pois de senteur, croissant à Darjeeling, dans l’Inde supérieure et originaires de l’Angleterre, peuvent par contre être cultivées avec succès dans les plaines indiennes, car elles fleurissent et grainent avec profusion, et ont des tiges molles et grimpantes. Dans quelques-uns des cas précités, ainsi que me le fait remarquer le Dr Hooker, on doit peut-être attribuer la meilleure réussite au fait que les graines ont mieux mûri sous un climat plus favorable ; mais on ne peut guère étendre cette manière de voir à un aussi grand nombre de cas, comprenant ceux de plantes qui, ayant été cultivées sous un climat plus chaud que celui de leur pays d’origine, s’adaptent à un climat encore plus chaud. Nous pouvons donc avec sécurité conclure que les plantes peuvent, jusqu’à

  1. Cottage Gardener, avril 1860, p. 57.
  2. Gardener’s Chronicle, 1841, p. 291.
  3. M. Beaton, Cottage Gardener, mars 1860, p. 377. — Gard. Chron., 1845, p. 226.
  4. Gardener’s Chronicle, 1841, p. 439.