Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
HÉRÉDITÉ.

froide et humide ; nous avons la preuve évidente d’une pareille dégénérescence dans les chevaux redevenus sauvages des îles Falkland. Dans l’Inde, les chiens européens ne transmettent souvent plus leurs caractères. Dans les pays tropicaux, nos moutons perdent leur toison après un petit nombre de générations. Il paraît y avoir aussi une relation intime entre certains pâturages et l’hérédité de l’énorme queue des moutons à queue traînante, qui constituent en Orient une des races les plus anciennes du globe. Quant aux plantes, nous avons vu le maïs américain perdre ses caractères au bout de trois ou quatre générations, lorsqu’on le cultive en Europe. Nos choux, qui se reproduisent d’une manière constante de graine, ne peuvent pas développer de têtes dans les pays chauds. Sous l’influence de changements dans les circonstances ambiantes, certaines propriétés périodiques cessent de se transmettre, comme l’époque de la maturation chez les froments d’été et d’hiver, l’orge et la vesce. Il en est de même pour les animaux ; ainsi des œufs du canard Aylesbury, race provenant de la ville de ce nom, où on les tient dans les maisons pour les faire éclore le plus tôt possible dans la saison, en vue du marché de Londres, furent transportés et couvés dans une autre partie fort éloignée de l’Angleterre ; les canards provenant de ces œufs firent, l’année suivante, leur première couvée le 24 janvier, tandis que les autres canards de la même basse-cour, traités de la même manière, ne furent éclos qu’à la fin de mars ; ce qui montre bien que l’époque de l’éclosion était héréditaire. Mais, à la seconde génération, les canards Aylesbury avaient déjà perdu leurs habitudes d’incubation précoce, et l’époque d’éclosion de leurs œufs fut désormais la même que pour ceux des autres canards de la localité.

Il est des cas de défaut d’hérédité qui semblent résulter de ce que les conditions extérieures paraissent constamment provoquer de nouvelles variations. Nous avons vu que, lorsqu’on sème des graines de poires, pommes, prunes, etc., les plantes levées de semis héritent généralement de l’air de famille de la variété parente. Dans le nombre, il en apparaît quelques-unes, parfois beaucoup, qui ressemblent à des sauvageons sans valeur, et dont on peut attribuer l’apparition à un effet de retour ; mais il n’y en a presque point qui ressemblent complètement