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EFFETS DE L’USAGE ET DU DÉFAUT D’USAGE.

d’exercice de ces parties ; car les races perfectionnées n’ont pas à chercher leur nourriture ni à fouiller la terre avec leur groin. Ces modifications de conformation, qui sont toutes strictement héréditaires, caractérisent plusieurs races améliorées, de sorte quelles ne peuvent être dérivées d’une souche unique domestique ou sauvage[1]. Le professeur Tanner a remarqué que dans les races améliorées de bétail, les poumons et le foie sont considérablement réduits de grosseur, en comparaison de ce que sont ces mêmes organes chez les animaux jouissant d’une entière liberté[2] ; et la réduction de ces organes affecte la forme générale du corps. La cause de la diminution des poumons dans les races améliorées est évidemment le peu d’exercice qu’elles prennent ; et il est probable que le foie est affecté par l’alimentation artificielle et très-nourrissante qu’on met abondamment à leur portée.


On sait que lorsqu’on lie une artère, ses branches anastomosées, étant forcées de livrer passage à une plus grande quantité de sang, augmentent de diamètre, augmentation qui ne tient pas à une simple extension des parois, puisque celles-ci deviennent plus fortes. M. Herbert Spencer[3] admet que chez les plantes l’afflux de la séve du point de départ au point en voie de croissance, allonge d’abord les cellules dans cette ligne ; que les cellules devenant ensuite confluentes forment des canaux, de sorte que dans cette manière de voir, les vaisseaux des plantes seraient formés par une réaction mutuelle de la séve coulante et du tissu cellulaire. Le Dr W. Turner a remarqué[4] au sujet des branches artérielles, ainsi que nerveuses, que le principe de compensation entre fréquemment en jeu, car lorsque deux nerfs se rendent à des surfaces cutanées adjacentes, on peut constater entre eux une relation inverse de grandeur ; ainsi une diminution dans l’un peut être compensée par une augmentation dans l’autre, et le champ d’action de l’un des nerfs peut être envahi par l’autre. Mais il est encore, dans ces cas, difficile d’établir la part qui, dans ces différences de grandeur des nerfs et des artères, doit revenir à une variation originelle, et celle qu’on peut attribuer à une augmentation d’activité.

Relativement aux glandes, M. Paget remarque que lorsqu’un des deux reins est détruit, l’autre grossit souvent beaucoup et devient ainsi capable de faire l’ouvrage des deux[5]. Si nous comparons les dimensions et l’activité de sécrétion des mamelles des vaches ou des chèvres domestiques à

  1. Nathusius, Die Racen des Schweines, 1860, p. 53, 57. — Vorstudien… Schweinschädel, 1864, p. 103, 130, 133.
  2. Journal of Agric. of Highland Soc., 1860, p. 321.
  3. Principles, etc., vol. II, p. 263.
  4. Nat. Hist. Review, v. IV, oct. 1864, p. 617.
  5. Paget, O. C., 1853, vol. I, p. 27.