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ACTION DÉFINIE

dans la même espèce. Nous avons aussi remarqué qu’il n’y a aucun rapport intime entre l’étendue des variations des oiseaux domestiques et l’importance des changements auxquels ils ont pu être soumis.

Revenons aux variations par bourgeons. Si nous considérons les millions de bourgeons qui ont été produits par un grand nombre d’arbres, avant qu’un seul d’entre eux ait varié, nous sommes bien embarrassés pour savoir quelle peut être la cause précise de chaque variation. Nous avons signalé le cas donné par A. Knight d’un prunier âgé de quarante ans, de la variété Magnum bonum à prunes jaunes, variété ancienne, qui a été pendant fort longtemps propagée par greffes et sur diverses souches en Europe et dans l’Amérique du Nord, et sur laquelle a surgi tout à coup un unique bourgeon qui a produit une variété à fruits rouges. Nous avons vu encore que des variétés, et même des espèces distinctes, — comme les pêches, les pêches lisses et les abricots, — certaines roses et camélias, — bien qu’éloignées par un immense nombre de générations d’un ancêtre commun, et cultivées dans des conditions fort différentes, ont donné des variétés très-analogues par variation de bourgeons. Si nous méditons ces faits, nous ne pouvons échapper à la conviction que, dans des cas pareils, la nature de la variation ne doit dépendre que peu des conditions auxquelles la plante a été soumise, et non spécialement de ses caractères individuels, mais bien plus de la nature générale ou de la constitution, héritée de quelque ancêtre reculé, du groupe entier d’êtres voisins auquel la plante appartient. Ceci nous conduit à conclure que, dans la plupart des cas, les conditions extérieures ne jouent dans leur action, comme causes de modifications particulières, qu’un rôle très-secondaire, comparable à celui de l’étincelle dans l’ignition d’une masse combustible, — la nature de la flamme dépendant de la matière combustible, et non de l’étincelle.

Chaque variation doit sans doute avoir sa cause déterminante, mais il est aussi impossible d’espérer de découvrir la cause de chacune, que de dire pourquoi un refroidissement ou un poison affectent un homme différemment qu’un autre. Même dans le cas de modifications résultant d’une action définie des conditions extérieures, lorsque tous ou presque