Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
DES CONDITIONS EXTÉRIEURES.

pêche lisse. Or peut-on concevoir des conditions d’existence plus semblables que celles auxquelles les bourgeons d’un même arbre peuvent être exposés ? Cependant sur des milliers de bourgeons produits par un arbre, un seul a subitement, sans cause apparente, donné une pêche lisse, et, cas bien plus extraordinaire encore, un même bourgeon floral a produit un fruit en partie pêche vraie, en partie pêche lisse. Sept ou huit variétés du pêcher ont produit des pêches lisses par variation de bourgeons, différant un peu, il est vrai, les unes des autres, mais étant toujours des pêches lisses. Il faut bien qu’il y ait quelque cause interne ou externe qui détermine le changement de nature dans le bourgeon du pêcher, mais je ne saurais trouver un ordre de faits plus propres à nous imposer la conviction que ce que nous appelons les conditions extérieures, n’ont sur les variations particulières qu’une influence insignifiante, en comparaison de celle que doit exercer l’organisation ou la constitution de l’être qui varie.

Les travaux de Geoffroy-Saint-Hilaire, et plus récemment ceux de Dareste et autres, ont montré que les œufs de la poule, secoués, dressés sur une pointe, perforés, recouverts partiellement d’un vernis, etc., produisaient des poulets monstrueux. Ces monstruosités peuvent être directement causées par ces conditions peu naturelles du traitement qu’on leur fait subir, mais les modifications qui en sont le résultat ne sont pas de nature définie. M. Camille Dareste[1] remarque que les diverses espèces de monstruosités ne sont pas déterminées par des causes spécifiques ; les actions extérieures qui modifient le développement de l’embryon n’agissent uniquement qu’en causant une perturbation dans le cours normal de l’évolution. Il compare le résultat à ceux que nous offrent les maladies ; un refroidissement subit, par exemple, affectera un individu seul parmi beaucoup d’autres, et provoquera chez lui, ou un rhume, ou un mal de gorge, des rhumatismes, ou une pleurésie. Les matières contagieuses agissent d’une manière analogue[2]. Voici un cas encore plus net d’une expérience faite

  1. Mémoire sur la production artificielle des monstruosités, 1862, p. 8–12. — Recherche sur les conditions, etc., chez les monstres, 1863, p. 6. — Un extrait des expériences de Geoffroy se trouve dans l’ouvrage de son fils, Vie, travaux, etc., 1847, p. 290.
  2. Paget, Lectures on Surgical Pathology, 1853, vol. I, p. 483.