Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 2, 1868.djvu/313

Cette page a été validée par deux contributeurs.
306
ACTION DÉFINIE

bien distinctes ; et comme c’est un oiseau aquatique, il doit avoir été soumis à de bien plus grands changements dans ses habitudes que le pigeon ou les volailles, qui ont cependant varié beaucoup plus fortement que lui. L’oie, native d’Europe et aquatique comme le canard, a varié moins qu’aucun autre oiseau domestique, le paon excepté.

Sous notre point de vue actuel, la variation par bourgeons est importante. Dans quelques cas, comme lorsque tous les yeux ou bourgeons d’un même tubercule de pomme de terre, tous les fruits d’un prunier ou toutes les fleurs d’une même plante, ont varié ensemble et subitement de la même manière, on pourrait arguer que la variation a pu être causée d’une manière définie par un changement dans les conditions auxquelles les plantes ont été exposées ; mais il y a toutefois d’autres cas où il serait difficile de l’admettre. De nouveaux caractères n’existant ni dans les espèces parentes, ni dans aucune espèce voisine, apparaissant quelquefois par variation de bourgeons, nous pouvons, dans ces cas du moins, ne pas les attribuer à un effet de retour.

Considérons quelque cas frappant de variation par bourgeons, comme celui du pêcher par exemple. Cet arbre a été cultivé par millions dans diverses parties du globe, il a été traité de différentes manières, greffé sur des souches variées, planté en plein vent, en espalier, ou élevé en serre, chaque bourgeon d’une sous-variété restant conforme à son type. Mais, occasionnellement, à de longs intervalles, en Angleterre ou sous le climat bien différent de la Virginie, un arbre produit tout à coup un seul bourgeon, et celui-ci une branche qui ne porte que des pêches lisses. Ces pêches diffèrent des pêches ordinaires par leur grosseur, leur goût et leur surface extérieure ; et elles en diffèrent au point que quelques botanistes ont soutenu qu’elles étaient spécifiquement distinctes ; de plus, les caractères qu’elles ont ainsi si subitement acquis sont assez permanents pour qu’un pêcher lisse produit d’une variation de bourgeons se soit propagé par sa graine. Il n’y a aucune distinction fondamentale à faire entre la variation par bourgeons et celle par reproduction séminale, car on a obtenu des pêchers lisses du semis de vrais noyaux de pêche, et inversement des pêchers proprement dits du semis de noyaux de la