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DES CONDITIONS EXTÉRIEURES.

d’affirmer qu’avec le temps, les variétés formées dans les deux pays n’acquerront pas quelques caractères particuliers et distinctifs. M. Masters rapporte un fait assez frappant[1] relatif à ce sujet ; ayant levé de graines venant de Palestine et de la Caroline du Sud, un grand nombre de plantes de l’Hybiscus Syriacus, les semis provenant de ces deux pays, où les plantes mères ont dû se trouver soumises à des conditions bien différentes, ont donné naissance les uns et les autres à deux branches semblables, dont l’une avait les feuilles obtuses et des fleurs pourpres ou écarlates, et l’autre des feuilles allongées et des fleurs plus ou moins roses.

Nous pouvons aussi conclure à une influence prépondérante de la constitution de l’organisme sur l’action définie des conditions extérieures, d’après les cas que nous avons cités de séries parallèles de variétés, — point important que nous discuterons plus complétement par la suite. Nous avons montré que des sous-variétés des différentes sortes de froment, de courges, de pêches et d’autres plantes et, jusqu’à un certain point, des variétés de volailles, de pigeons et de chiens, peuvent se ressembler ou différer les unes des autres d’une manière correspondante et parallèle. Dans d’autres cas, une variété d’une espèce peut ressembler à une autre espèce, ou les variétés de deux espèces distinctes se ressembler entre elles. Bien que ces ressemblances parallèles soient sans doute souvent le résultat d’un retour aux caractères d’un ancêtre commun, il y a des cas dans lesquels, lorsque de nouveaux caractères apparaissent en premier, il faut attribuer la ressemblance à l’hérédité d’une constitution semblable et, par conséquent, à une tendance à varier d’une manière analogue. Nous voyons quelque chose de pareil dans les cas d’une monstruosité réapparaissant souvent dans le même animal et, d’après le Dr Maxwell Masters, chez une même plante.


Nous pouvons au moins conclure que la somme des modifications que les animaux et les plantes ont éprouvées sous l’influence de la domestication, ne correspond pas à l’importance des changements dans les conditions auxquelles ils ont été exposés. Parcourons la liste des oiseaux domestiques dont l’origine nous est beaucoup mieux connue que celle de la plupart de nos mammifères. Aucun oiseau n’a plus varié en Europe que le pigeon, qui y est indigène et n’a pas été soumis à des changements extraordinaires de conditions. Les volailles qui sont originaires des fourrés brûlants de l’Inde, ont varié presque autant que le pigeon ; tandis que ni le paon, qui provient du même pays, ni la pintade native des déserts arides de l’Afrique, n’ont varié, si ce n’est un peu par la couleur. Le dindon du Mexique n’a également varié que peu. Le canard, natif d’Europe, a, d’autre part, fourni quelques races

  1. Gardener’s Chronicle, 1857, p. 629.