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ACTION DÉFINIE

tions qui m’ont été transmises, il paraît que cela est aussi, jusqu’à un certain point, le cas chez les moutons en Australie.

Le climat a une action très-définie sur le poil des animaux ; dans les Indes Occidentales, trois générations suffisent pour déterminer un grand changement dans les toisons des moutons. Le Dr Falconer[1] constate que le dogue et la chèvre du Thibet, amenés de l’Himalaya au Kashmir, perdent leur fine laine. À Angora, non-seulement les chèvres, mais aussi les chiens de bergers et les chats, ont un poil fin et laineux, et M. Ainsworth[2] attribue l’épaisseur de leurs toisons aux hivers rigoureux, et leur lustre soyeux à la chaleur des étés. Burnes[3] a positivement constaté que les moutons Karakools perdent leur toison particulière noire et frisée lorsqu’on les transporte dans tout autre pays. Même en Angleterre, on m’a assuré que la laine de deux races de moutons avait été légèrement modifiée par le fait que les troupeaux avaient pâturé dans des localités différentes[4]. On a affirmé aussi[5] que des chevaux restés pendant plusieurs années dans des mines de houille profondes de Belgique, s’étaient recouverts d’un poil velouté, analogue à celui de la taupe. Ces cas sont sans doute en rapport intime avec le changement du poil qui a naturellement lieu hiver et été. On a vu occasionnellement apparaître des variétés nues de plusieurs animaux domestiques, mais nous n’avons aucune raison pour croire que ces cas doivent en aucune manière être rattachés à l’action du climat auquel ces animaux ont été exposés[6].

Il paraît, à première vue, probable que l’accroissement de taille, la tendance à l’engraissement, la précocité et les modifications apportées à la forme de nos races améliorées de bétail, moutons et porcs, sont un résultat direct de l’abondance de la nourriture. Cette opinion, qui est celle d’un grand nombre de juges compétents, est probablement en grande partie vraie. Mais en ce qui concerne la forme, nous ne devons pas méconnaître l’influence égale, si elle n’est pas prépondérante, de la diminution de l’usage des membres et des poumons. Et pour ce qui est de la taille, nous voyons que la sélection agit encore plus puissamment que l’abondance de nourriture, car ce n’est qu’ainsi que nous pouvons, comme me le fait remarquer M. Blyth, nous expliquer l’existence simultanée dans un même pays, des races de moutons les plus grandes et les plus petites ; des poules Cochinchinoises et des Bantams ; des petits pigeons Culbutants et des Runts, qui tous sont élevés ensemble, et tous abondamment pourvus de nourriture. Néanmoins il n’est pas douteux que nos animaux domestiques n’aient, indépendamment de l’accroissement ou de la diminution dans l’usage de certaines parties, été modifiés par les conditions dans lesquelles on les a

  1. Nat. Hist. Review, 1862, p. 113.
  2. Journ. of Roy. Geogr. Soc., t. IX, 1839, p. 275.
  3. Travels in Bokhara, t. III, p. 151.
  4. Sur l’influence des pâturages marécageux sur la laine, Godron, O. C., t. II, p. 22.
  5. I. Geoff. Saint-Hilaire, Hist. nat. gén., t. III, p. 438.
  6. Azara a fait quelques bonnes remarques sur ce sujet, Hist. des quadrupèdes du Paraguay, t II, p. 337. — Voir sur une famille de souris nues produite en Angleterre, Proc. Zool. Soc., 1856, p. 38.